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CRITIQUE - Così fan tutte à l’Atelier lyrique du CMQ : Un spectacle réussi

CRITIQUE - Così fan tutte à l’Atelier lyrique du CMQ : Un spectacle réussi

Gabriel Provencher (Ferrando) et Rosalie Brulotte (Fiordiligi), Così fan tutte, Atelier lyrique du CQM, 2025
Photographie: Jessica Latouche

Dans le cadre des célébrations de son 80e anniversaire, le Conservatoire de musique de Québec (CMQ) présentait, le 8 février dernier, la production annuelle de son Atelier lyrique consacrée au Così fan tutte de Mozart. Pour l’occasion et après plusieurs années à la salle Sylvain-Lelièvre du Cégep de Limoilou, le spectacle se produisait pour la toute première fois au Théâtre Le Diamant de Robert Lepage. Comme le soulignait Jean-Fabien Schneider, directeur du Conservatoire, cette nouvelle collaboration entre les deux institutions permet d’offrir un écrin idéal au talent des jeunes artistes et d’évoluer sur une scène qui est devenue, en peu de temps, un véritable emblème culturel de la ville de Québec.

Così fan tutte raconte l’histoire d’un pari lancé par Don Alfonso à ses amis Ferrando et Guglielmo. Partant du principe que les femmes sont par nature infidèles, il leur propose de mettre à l’épreuve leurs fiancées, les sœurs Fiordiligi et Dorabella. Les jeunes amants feignent de partir à la guerre et reviennent déguisés en Albanais pour tenter de conquérir la promise de l’autre.

Sobre et efficace, la mise en scène était confiée au comédien et metteur en scène Bertrand Alain, qui signe les mises en scène de l’Atelier lyrique depuis 2006. Dès l’ouverture, celui-ci situe l’action dans une salle de répétition où les chanteurs et l’équipe de production, sous la supervision du metteur en scène Don Alfonso, s’activent fébrilement afin de préparer le spectacle à venir. Si les trois premiers trios dédiés aux hommes se déroulent avant la représentation officielle, nous entrons véritablement dans le vif du sujet dès la seconde scène avec les deux sœurs. Bertrand Alain nous rappelle ensuite périodiquement que nous sommes dans une mise en abyme, émaillant le spectacle d’interventions de régisseurs, de machinistes et de figurants, personnifiés par deux étudiants du Conservatoire.

La scénographie de Marie-Pascale Chevarie divise la scène en trois lieux distincts, délimités par des praticables où évoluent les personnages, et derrière lesquels s’élèvent des arches. Pour nous rappeler que nous sommes au théâtre, des boîtes de transports, comme on en trouve dans les coulisses de théâtre, sont également disséminées çà et là. Pour les costumes, Émily Wahlman privilégie des vêtements modernes, tout en leur adjoignant des éléments inspirés du XVIIIe siècle, soulignant ainsi habilement l’époque où se situe habituellement l’action.

Così fan tutte, Atelier lyrique du CQM, 2025
Photographie: Jessica Latouche

Sur le podium, nous retrouvions le chef Dmitri Zrajevski, professeur de direction d’orchestre au Conservatoire, qui dirigeait un orchestre composé d’étudiants de l’institution. On sentait véritablement les jeunes musiciens attentifs à sa direction, qui s’est révélée inspirée avec des tempi vivants, mais sans précipitation. Nous avons eu véritablement droit à un accompagnement orchestral de qualité, malgré quelques petites imprécisions ici et là, normales et pardonnables au regard de l’expérience des jeunes interprètes.

Côté chanteurs, si tous n’avaient pas la même expérience scénique, on peut dire qu’ils ont chacun su tirer leur épingle du jeu, affichant des qualités vocales indéniables malgré la difficulté de la partition, promettant une belle relève. Mention spéciale aux interprètes de Fiordiligi et Dorabella qui se sont démarquées de leurs collègues. Si la Fiordiligi de Rosalie Brulotte est plus réservée que ne l’exige le personnage, elle possède toutefois la voix pour interpréter ce rôle redoutable. Chaleureuse et égale sur tout le registre, sa voix révèle notamment des graves magnifiques ainsi que des aigus lumineux et précis. Un talent prometteur à surveiller ! La Dorabella de Rébecca Veilleux possède, quant à elle, une voix et une présence scénique qui la mèneront loin.

Je me permets d’ajouter un bémol à cette excellente production : l’amplification des chanteurs. Trop présente et mettant en relief certains chanteurs par rapport à d’autres, elle isolait les voix et empêchait un mélange idéal de celles-ci. La chose semblait s’être partiellement réglée au deuxième acte, à moins que mes oreilles ne s’y soient habituées !

En terminant, j’aimerais mentionner le travail exceptionnel d’Anne-Marie Bernard qui a préparé les récitatifs avec les chanteurs et les soutenait au piano-forte, instrument prêté gracieusement pour l’occasion par Les Violons du Roy.

Così fan tutte

Opéra en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo da Ponte

Production
Conservatoire de musique de Québec
Représentation
Le Diamant , 8 février 2025
Direction musicale
Dmitri Zrajevski
Instrumentiste(s)
Orchestre du Conservatoire de Québec
Interprète(s)
Rosalie Brulotte (Fiordiligi), Rébecca Veilleux (Dorabella), Gabriel Provencher (Ferrando), Maxence Élisée Lasserre-Engberts (Guglielmo), Félix Dionne (Don Alfonso), Gaëlla Kabalira (Despina), Tommy Mauny et Otto Davoll (figurants)
Mise en scène
Bertrand Alain
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