CRITIQUE - Rythmes, rires et émotions sincères au Conservatoire
Maid and the Thief, Atelier d'opéra du Conservatoire de musique de Montréal, 2024
Composé spécifiquement pour la radio et créé en 1939 sur les ondes de NBC aux États-Unis, le petit opéra The Old Maid and the Thief de Menotti connait depuis sa création une large diffusion dans les institutions d’enseignements partout en Amérique du Nord. Sa distribution (quatre personnages), sa durée (une heure) et son niveau d’écriture vocale (pas trop difficile, ni trop facile) en font un choix judicieux dans un contexte académique. D’ailleurs, cet hiver, tant le Conservatoire de musique de Québec que celui de Montréal avaient programmé cette œuvre !
La production montréalaise a été confiée à la metteuse en scène Marie-Nathalie Lacoursière, quia imaginé un spectacle très amusant, bien ficelé et très vivant. L’œuvre pose un problème de taille : puisque l’opéra a été initialement conçu pour la radio, l’enchaînement des scènes ne tient pas compte des impératifs de la scène : les changements de décors, de lieux, de temps, et même de costumes sont donc un véritable défi à relever pour toute production scénique. Pour remédier à cela, Marie-Nathalie Lacoursière a imaginé un spectacle qui prend place dans un studio de radio, avec ici et là des intermissions au programme principal pour faire place à des publicités dictées au micro ou encore à un trio de chanteuses jazzy qui pousse la chansonnette entre deux scènes. Clin d’œil à l’origine de cet opéra, ces ajouts rythment la soirée avec humour et dynamisent grandement la représentation. Les décors et costumes campent admirablement bien l’action dans l’époque de la création de l’œuvre et insufflent à ce spectacle une grande cohésion.
The Old Maid and the Thief, Atelier d'opéra du Conservatoire de musique de Montréal, 2024
L’Atelier d’opéra du Conservatoire de musique de Montréal nous avait habitués ces dernières années à des productions avec orchestre. Retour à l’accompagnement au piano cette fois-ci, admirablement interprété par le directeur de l’Atelier, Romain Pollet. Nous sommes néanmoins déçus de ne pouvoir entendre l’œuvre de Menotti dans la douce et tendre orchestration qu’il a imaginée. Sa palette instrumentale, certes traditionnelle – tout comme son esthétique – permet néanmoins d’approfondir la psyché de ses personnages avec une sensibilité post-vériste qui a tout pour plaire.
Pour compléter le programme principal, il est commun d’y ajouter en première partie The Telephone du même compositeur. Une fois n’est pas coutume, l’Atelier d’opéra propose plutôt un prologue un peu plus conceptuel composé d’un montage d’extraits d’œuvres de Britten (A Midsummer Night’s Dream, The Turn of the Screw) et de Holst (Rid Vega) qui permet de faire entendre des étudiantes non distribuées dans l’opéra de Menotti. Sur un plan plus onirique, ce prologue évoque l’itinérance en mettant en scène ces hobos américa>span class="s5">esquelsémergera Bob, le sympathique vagabond que l’on découvrira dans The Old Maid and the Thief. Dramatiquement moins convaincante, cette mise en bouche a néanmoins permis d’entendre de beaux moments musicaux (le chœur de Holst est un petit bijou à découvrir !)
La jolie distribution a fait briller les jeunes chanteuses. Amélie Baland-Capdet campe une Miss Pinkerton amusante à souhait, tandis que Maéva Girard personnifie Miss Todd, une bien jeune Old Maid (!), avec un sens dramatique efficace et une voix bien maîtrisée. Dans le rôle de Laetitia, Natasha Henry est à l’aise comme un poisson dans l’eau et offre un moment d’émotion sincère lorsqu’elle chante l’aria « What a Curse for a Woman is a Timid Man ». Quant à Alexandru Tutuianu, il joue avec grand naturel le vagabond Bob, bien que sa voix ne soit pas encore bien stable. Il aura l’occasion de travailler son instrument et de faire valoir ses qualités dans des productions futures.
Production étudiante, certes, mais très bien ficelée, cette nouvelle mouture de l’opéra de Menotti aura été un spectacle des plus agréables.
The Old Maid and the Thief
Opéra en un acte de Gian Carlo Menotti, sur un livret du compositeur
- Production
- Atelier d’opéra du Conservatoire
- Représentation
- Théâtre Rouge du Conservatoire , 2 mars 2024
- Direction musicale
- Romain Pollet
- Interprète(s)
- Maéva Girard (Miss Todd), Amélie Baland-Capdet (Miss Pinkerton), Natasha Henry (Laetitia), Alexandru Tutuianu (Bob), Jessica Dubuc-Palumbi, Dahlia Genest, Stella-Rose Martin (Chanteuses de radio), Emma Cloutier, Pascale Boulanger, Zélia Bernard (Voleurs et laveurs)
- Mise en scène
- Marie-Nathalie Lacoursière