Critiques

Photographie : André Desrosiers

Le Théâtre Outremont était bien rempli le 21 avril au soir, alors que la contralto de renommée internationale Marie-Nicole Lemieux et l’acteur Raymond Cloutier ont offert au public un spectacle qui sortait de l’ordinaire. Accompagnés du pianiste Daniel Blumenthal, les artistes ont tour à tour interprété des poèmes tirés de divers recueils de Baudelaire, avec comme thématique principale L’invitation au voyage. C’est donc une performance tout en musique, mais également en poésie qui a charmé le public de la petite salle de quartier vendredi dernier.

Installés dans un décor sobre comprenant quelques meubles et un porte-manteau, Marie-Nicole Lemieux et Raymond Cloutier se sont relayés dans des performances tantôt chantées, tantôt déclamées qui avaient été préalablement mises en scènes par Cloutier lui-même. La mise en scène était somme toute efficace, atteignant son apogée durant le poème « La géante », durant lequel la contralto posait devant un faisceau lumineux qui projetait son ombre sur la grande toile qui tapissait le fond de la scène. Cette vision de la contralto transformée en géante dame correspondait parfaitement à ce que dégage Lemieux lorsqu’elle chante : elle envahit la salle de son timbre chaleureux et laisse tout le monde pantois.

Musicalement parlant, il est difficile d’être déçu lorsqu’il s’agit d’une performance de Marie-Nicole Lemieux et, une fois de plus, elle a remporté son pari. En parfait contrôle de sa voix, elle a offert une interprétation touchante et fort maîtrisée. Lorsqu’elle chante, elle est la musique, tout simplement, et c’est ce qui a rendu ces poèmes aussi vivants. Dans « La musique », l’un des points culminants du spectacle, elle a fait vibrer l’ensemble du théâtre avec sa fougue et la puissance de son instrument. Et quel plaisir ce fut de l’entendre également interpréter une œuvre composée par Léo Ferré, mobilisant un style beaucoup plus sobre et jovial.

Raymond Cloutier a quant à lui charmé par son authenticité. S’il a semblé quelque peu distrait en début de performance, il s’est rapidement imprégné de son personnage et a fait rire lors du « Enivrez-vous » au ton cynique. Durant les quelques moments d’interactions avec sa partenaire de jeu, on sentait un réel enthousiasme de sa part, qui a rendu son interprétation des plus humaines. 

Accompagné d’une main de maître par le pianiste Daniel Blumenthal, le duo a offert un doux moment musical. Cette formule, alternant entre musique et poésie, était intéressante dans la mesure où elle a permis d’approcher l’art lyrique autrement; par la prose. L’adage prima la musica e poi le parole a ici quelque peu perdu de son sens… Mais après tout, toute musique n’est-elle pas, dans une certaine mesure, poésie?