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CRITIQUE - Verdi : le Requiem dans toute sa splendeur !

CRITIQUE - Verdi : le Requiem dans toute sa splendeur !

Photographie : Andréa Doyle Simard

La Messa da Requiem de Verdi a fait salle comble au Grand Théâtre de Québec le 20 avril dernier. L’œuvre n’avait pas été présentée sur cette scène depuis 2014 : c’était alors dans le cadre du Festival d’opéra de Québec, et il s’agissait d’un spectacle visuel inspiré par les fresques du Jugement dernier de Michel-Ange. En saison régulière de l’Orchestre symphonique de Québec, il faut remonter à 2010, sous la baguette du chef titulaire de l’époque, Yoav Talmi, que l’on reverra à la tête de l’OSQ en mai prochain à l’occasion de son 80e anniversaire. 

À la fois théâtral et religieux, le Requiem de Verdi commémorait le décès d’un personnage influent de l’histoire patriotique de l’Italie – Alessandro Manzoni – et se devait d’être vibrant de passion. Hier comme aujourd’hui, il fascine l’auditoire par tous les moyens dramatiques et expressifs avec lesquels Verdi exprime l’épouvante et la détresse du pécheur, à l’heure de sa mort, face à son Créateur.

La scène du Grand Théâtre était pleine à craquer, avec 170 musiciens, dont le chœur symphonique de l’OSQ qui frôlait la centaine de participants grâce à l’ajout des habituels professionnels et quelques étudiants du Conservatoire de musique. Les huit trompettes du jugement dernier (Tuba mirum), que se partageaient le balcon et la scène, ont produit l’effet de surprise escompté. La généreuse section des cuivres, les timbales et la grosse caisse ont pu s’en donner à cœur-joie sans risquer de se faire reprocher de jouer trop fort, comme cela peut arriver à l’occasion !

Un immense bravo au chef britannique Matthew Halls pour sa direction éloquente et bien pensée. Il inspire autant les choristes que l’orchestre par ses gestes souples, généreux et efficaces, toujours au service de la musique et du respect du texte religieux. En le regardant diriger cette masse impressionnante et souvent concertante, qui peut passer du fortissimoau quadruple piano, on se laissait porter – voire emporter – par la musique.  Tout a l’air naturel et facile ! Il maîtrise l’art des contrastes et des effets, commençant notamment le Requiem sur un audacieux murmure choral qui, progressivement annonce la lumière éternelle. Par ce même charisme, après les dernières suppliques du Libera me, il provoque un instant de recueillement qu’aucun applaudissement n’ose interrompre : un moment de grâce et d’éternité comme on n’en a pas souvent ! 

Le Requiem de Verdi avait été, en son temps, qualifié d’ « opéra en habit ecclésiastique » par le très wagnérien Hans von Bülow. Il y a de la vérité dans cette boutade : les airs confiés aux solistes sont de la même trempe que ceux des ouvrages dramatiques du compositeur, tandis que le chœur, avec ses fugues et son contrepoint de la Renaissance,  remplit une mission plus liturgique. 

Très bien préparé par son chef David Rompré, le Chœur symphonique de l’OSQ s’est montré remarquable, notamment dans les passages a cappella de l’Introït et du Libera me, dans les fugues – dont celle du Sanctus en double chœur –, ainsi que dans les déchaînements spectaculaires du Dies Irae qui servent en quelque sorte de refrain. 

Côté solistes, les duos, trios et quatuors possédaient un bel équilibre sonore. J’ai apprécié la rondeur, le timbre, la musicalité et la puissance vocales de la mezzo soprano Susan Platts, qui occupe une place importante dans une bonne partie du Requiem, seule ou avec ses partenaires. Ses interventions dans le Lux aeterna étaient intenses, et son interaction avec les autres solistes – notamment avec Lyne Fortin dans l’Agnus Dei - était toujours équilibrée, comme ce fut le cas dans le Recordare, l’Offertorio, le Lacrymosa ou dans l’expressif Agnus Dei

Si la voix du ténor David Pomeroy est puissante, elle est parfois poussée, brute et souvent affligée d’un pénible et large vibrato. Heureusement, dans les passages expressifs, comme le Quid sum miser, il a montré qu’il pouvait faire preuve de délicatesse et même d’un certain raffinement.

La basse Matthew Treviño ne manque pas de panache, et l’a démontré dans le Confutatis maledictis. Son Mors stupebit, déclamé après le Tuba mirum, avait quelque chose de fantomatique, bien réussi dans l’ensemble.

La palme revient à la soprano Lyne Fortin, que l’on retrouvait avec plaisir sur la scène du Grand Théâtre de Québec. Ménageant ses effets dans ses premières interventions, qu’elle partageait souvent avec les autres solistes, elle a donné le maximum dans l’exigeant et très attendu Libera me conclusif. Entre grand air d’opéra et supplique psalmodiée, elle nous a fait vivre toute une gamme d’émotions, en parfaite communion avec le chœur et l’orchestre.  Après un ultime emportement du Dies Irae, elle s’est superposée à la vigoureuse fugue chorale, qu’elle dominait par son legato et ses aigus solides, pour conclure dans le plus grand dépouillement.  Remarquable !

« Le Requiem de Verdi »

CHO : Choeur de l’Orchestre symphonique de Québec
ORC : Orchestre symphonique de Québec

Production
Orchestre symphonique de Québec
Représentation
Salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec , 20 avril 2023
Direction musicale
Matthew Halls
Interprète(s)
Lyne Fortin, soprano ; Susan Platts, mezzo-soprano; David Pomeroy, ténor; Matthew Treviño, basse
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