CRITIQUE - Un « Voyage en Orient » débordant de nouveauté à l’OSM
Photographie : Antoine Saito
Pour son « Voyage en Orient », l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) a réuni dimanche dernier des œuvres d’origine persane, iranienne et russe, ainsi qu’une création mondiale québécoise. Ce programme – fort novateur pour une institution aussi traditionnelle que l’OSM – a été l’occasion de belles découvertes, mais également de questionnements.
Le concert a débuté en force avec l’interprétation débordante d’énergie du troisième mouvement de Persian Trilogy, une œuvre du compositeur perse Behzad Ranjbaran. Intitulé « Seven Passages », ce morceau en est un de contrastes qui a permis aux bois, aux cuivres et aux percussions de briller amplement. On sentait l’ensemble alerte et très à l’écoute de la pétillante cheffe Tianyi Lu, qui a dirigé l’œuvre avec clarté et aplomb. Cette introduction a fait regretter que l’œuvre complète ne soit pas au programme – il aurait été intéressant de pouvoir faire des liens entre la multitude de thèmes entendus lors de la finale et les deux premiers mouvements de cette trilogie.
Comme Persian Trilogy mobilisait un très grand effectif orchestral, il a été un peu déconcertant par la suite d’entamer l’écoute de Rendre mon cœur, une touchante œuvre du compositeur iranien Reza Abaee interprétée par un ensemble de musique persane formé de quatre musiciens. Pour des besoins acoustiques évidents, les instrumentistes étaient entourés de micros et cette retransmission via des haut-parleurs contrastait peut-être trop avec le son acoustique que l’on avait fraîchement dans l’oreille. Néanmoins, et il incombe de le préciser, c’est le choix artistique de n’avoir pas débuté le concert avec l’œuvre mobilisant un moins grand effectif et un besoin d’amplification que je critique ici, pas la musique. L’œuvre était rafraîchissante, saisissante et interprétée avec une telle émotion qu’elle a rapidement pris le dessus sur ces inconvénients.
La masse orchestrale a de nouveau pris place pour Ainsi chantait Simorgh, une nouvelle œuvre vocale commandée par l’OSM à la compositrice québécoise Katia Makdissi-Warren, présentée en création mondiale. L’orchestre était accompagné de deux solistes, le chanteur soufie Anouar Barrada et Ziad Chbat au nay (une flûte persane jouée en position verticale), et ce sont ces deux interprètes qui ont constitué le clou du spectacle. Le doux son du nay résonnait à merveille dans la Maison symphonique et conférait à l’œuvre une ambiance méditative, soutenue par de longues notes tenues à l’orchestre et de magnifiques glissandi aux cordes. Barrada a quant à lui offert une prestation époustouflante, modulant avec intelligence et aisance la force de sa voix afin de s’adapter aux nombreux changements de nuance de l’orchestre. Makdissi-Warren a su marier à merveille les sonorités au sein de son œuvre, et il s’agit en ce sens d’une agréable découverte.
Photographie : Antoine Saito
C’est finalement avec le coloré Schéhérazade de Rimski-Korsakov que s’est clos ce concert, et la performance de l’OSM a permis de constater à quel point cette partition regorge de bijoux, mais également de passages extrêmement difficiles à mettre en place. Tianyi Lu, qui a mené avec brio l’ensemble lors de la pièce d’ouverture, a semblé à quelques moments un peu instable dans sa direction, notamment à la fin du premier tableau où se sont fait entendre quelques sons incertains provenant de chez les bois.
Bien que l’ordre de présentation des différentes pièces m’ait laissée dubitative, le répertoire présenté lors de ce concert était somme toute des plus intéressants. Il est à espérer que l’OSM poursuive ce genre d’initiatives, en contextualisant cependant davantage les œuvres nouvelles au sein même du concert, et non seulement lors de la conférence qui précède ce dernier. Tout le public en bénéficierait, c’est garanti !
Voyage en Orient, de Schéhérazade à Simorgh
Œuvres de Behzad Ranjbaran, Reza Abaee, Katia Makdissi-Warren et Rimski-Korsakov
ENS : DIBA (ensemble de musique persane)
ORC : Orchestre symphonique de Montréal
- Production
- Orchestre symphonique de Montréal
- Représentation
- Maison symphonique de Montréal , 16 avril 2023
- Direction musicale
- Tianyi Lu
- Interprète(s)
- Anouar Barrada (chant soufie), Ziad Chbat (nay)