Critiques

CRITIQUE - Que la fête continue !

CRITIQUE - Que la fête continue !

La Chauve-Souris, Atelier d'opéra de l'Université de Montréal, 2023
Photographie: Simon Laroche

Chaque année, les productions universitaires nous font découvrir les jeunes voix qui seront (peut-être) les têtes d’affiche de demain. Avec des moyens limités, mais toujours avec beaucoup d’inventions et, surtout, beaucoup de conviction, ces spectacles offrent très souvent des surprises agréables. C’est donc avec un bonheur anticipé que l’on grimpait sur le Mont-Royal pour assister à cette nouvelle mouture de La Chauve-Souris proposée par la Faculté de musique de l’Université de Montréal.

Le plaisir était au rendez-vous dans un spectacle très bien dirigé par François Racine. Le metteur en scène et son équipe ont non seulement fait preuve d’ingéniosité au regard des capacités de la salle (rappelons que la salle Claude-Champagne ne dispose pas de fosse – une seconde scène est ainsi traditionnellement érigée au-dessus de l’orchestre), mais ils ont aussi permis aux jeunes chanteurs et chanteuses de s’épanouir dans les meilleures conditions possibles.

Il est toujours un peu ingrat de relever les bons et les mauvais coups d’une distribution étudiante. Il y a certes beaucoup de talent, mais aussi beaucoup de travail à compléter, d’expérience à acquérir, de qualités à développer. Et bien qu’ils soient tous aux études dans une institution supérieure, le parcours de ces artistes lyriques en devenir n’est jamais égal. Il faut toujours garder cela à l’esprit. 

De la distribution vocale, donc, émane en premier lieu River Guard qui campe un Eisenstein très énergique. Le naturel et l’aplomb du chanteur impressionnent, tout autant que sa voix qui possède déjà un timbre franc et caractéristique. C’est assurément un talent qu’il faudra avoir à l’œil... et à l’oreille ! La Rosalinde de Sarah Raiss est fraîche et légère, et le timbre clair de la chanteuse la rend très attachante, malgré une projection un peu inégale, mais pour laquelle elle compense par une présence scénique naturelle et limpide. Denise Torre Ormeno incarnait une Adèle maligne et amusante, le tout servi par une voix juste et efficace. Le reste de la distribution était très honorable, tant dans l’application des talents musicaux que dans l’énergie et l’ambition d’offrir un bon spectacle. On aurait envie de dire que c’est une bonne cohorte, et ce même si nous n’avons pas entendu la seconde distribution du spectacle.

La Chauve-Souris, Atelier d'opéra de l'Université de Montréal, 2023

Photographie: Simon Laroche

L’écueil de l’opérette, et ce qui rend ce genre pratiquement plus difficile que l’opéra, c’est l’alternance des numéros chantés aux dialogues parlés. Plusieurs interprètes professionnels s’y sont cassé les dents, offrant une prestation musicale exemplaire, mais un jeu d’acteur et une diction plus faibles, voire défaillants. À une moindre échelle, c’est ce qui émane de l’exercice académique. Si la musique est toujours triomphante, le travail de pose de voix et de projection est plus difficile et très inégal. Quant au jeu d’acteur, il est néanmoins de bonne tenue, sans être pour autant du même niveau que la musique. Prima la musica e poi le parole ; l’adage pourrait résumer le spectacle à lui seul ! 

L’orchestre est très attentif à la légèreté et au sautillant qu’insuffle Jean-François Rivest, et s’il est un accompagnateur discret dans les numéros chantés, il s’éclate dans l’ouverture ainsi que dans la polka Unter Donner und Blitz, ajoutée entre le second et troisième acte pour meubler le changement de décor. Il nous est apparu cependant que l’appétit pour les sonorités riches et généreuses auquel est attaché Rivest n’était pas pleinement déployé ici. Est-ce la petite section de cordes qui manquait de tonus ? Conservons à l’esprit que cet orchestre étudiant n’est pas un orchestre d’opéra traditionnel, habitué à des dosages plus précis. La prestation restait, dans ce contexte, des plus honorables.

Au final, cette Chauve-souris aura été une très belle production qui nous a laissé le cœur léger et le sourire aux lèvres. 

Die Fledermaus (La Chauve-Souris)

Opérette en trois actes de Johann Strauss II, livret de Karl Haffner et Richard Genée, d’après Meilhac et Halévy. Adaptation des dialogues par François Racine.
ORC : Orchestre de l’Université de Montréal

Production
Atelier d'opéra de l'Université de Montréal
Représentation
Salle Claude-Champagne , 24 février 2023
Direction musicale
Jean-François Rivest
Interprète(s)
Sarah Raiss (Rosalinde), River Guard (Gabriel von Eisenstein), Denise Torre Ormeno (Adèle), Jorge Ricardo Galindo Gómez (Dr. Falke), Léa Badillo (Prince Orlofsky), Emmanuel Raymond (Alfred), Justin Domenicone (Frank), William Aziz (Dr. Blind), Léa Jourdain (Ida), Andoni Iturriria Machinandiarena (Frosch), Estefania Carrillo Delgado (Ivana)
Mise en scène
François Racine
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