Critiques

Le 30 avril 2022, l’ensemble choral Voces Boreales présentait à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours son concert intitulé Vigiles, dont le programme combinait œuvres anciennes et nouvelles. Ce répertoire conçu de pièces pour chœur tirées de la tradition chrétienne orthodoxe conjuguait Saint Dieu de la compositrice Ukraino-Canadienne Larysa Kuzmenko et Triptyque du Russo-Canadien Evgeny Shcherbakov à l’un des chefs-d’œuvre de la musique chorale : Vigiles, op. 37 de Rachmaninov. Afin de faire découvrir ces œuvres au plus grand nombre, l’ensemble a décidé d’enregistrer ce concert afin de le rendre accessible en webdiffusion, et c’est de cette webdiffusion dont il est question dans cette critique. 

Pour cette production, Voces Boreales était réuni « dans son incarnation la plus large », soit à 40 voix, sous la direction de son dévoué chef Andrew Gray. Larysa Kuzmenko et Evgeny Shcherbakov, tous deux présents au concert ont d’ailleurs pu entendre le résultat de leur dur labeur et ainsi recevoir les honneurs qui leur reviennent pour ces riches œuvres qui sont un bel ajout au répertoire choral chrétien orthodoxe.

Ce concert a permis à l’ensemble de prouver non seulement sa virtuosité technique, mais aussi sa grande cohésion et sa capacité à mobiliser une palette très étendue de couleurs musicales. Il faut beaucoup de talent pour interpréter aussi magnifiquement Vigiles, et il en faut d’autant plus pour rendre avec autant de justesse les œuvres de Kuzmenko et de Shcherbakov, dont les nombreuses dissonances si bien assumées par les interprètes ont convié leur lot de frissons. 

Saint Dieu de Kuzmenko s’avère une œuvre très poignante dans laquelle sont largement mobilisés les registres vocaux extrêmes : du très très aigu chez les sopranos et du très très grave chez les basses. Voces Boreales a relevé avec brio le défi, en conservant la beauté du timbre même durant ces passages difficiles. Il en va de même pour Triptyque, qui est formé comme son nom l’indique de trois mouvements qui ont été interprétés non pas un à la suite de l’autre, mais qui ont été intercalés entre les mouvements de Vigile, ce qui a engendré un effet de contraste très intéressant entre les divers chants au programme. Le deuxième mouvement de Triptyque (« Auprès de la mère de Dieu ») est particulièrement touchant grâce son atmosphère méditative qui nous a permis d’apprécier l’immense talent des basses qui vibraient toutes ensembles, soutenant l’œuvre d’une main de maître. La fin du mouvement, caractérisée par une section aux multiples entrées fuguées et aux contrastes de nuances, est tout simplement magnifique.

L’œuvre de Rachmaninov a quant à elle été interprétée avec vigueur, douceur et une grande musicalité. Elle nous a permis de découvrir les timbres ronds et veloutés de deux solistes, soit l’alto Maddie Studt et le ténor Arthur Tanguay-Labrosse. Tous deux ont offert une performance envoûtante, chantant avec beaucoup de lyrisme. Leurs voix graves sont d’une impressionnante puissance, réussissant à se projeter sans effort visible au-dessus des 38 choristes qui les accompagnaient. Leur timbre au vibrato contrôlé rappelait le style de chant mis de l’avant dans la tradition lyrique russe, ce qui rendait l’interprétation très convaincante. L’amatrice de musique russe que je suis a apprécié en ce sens le choix des solistes. 

Avec le concert Vigiles, Voces Boreales promettait un événement duquel on « ressort transformé ». Je pense que le pari a été réussi : cette musique transcendante a procuré une expérience auditive très spéciale. Les sensations ressenties lors de l’écoute en webdiffusion faisaient regretter de ne pas avoir assisté au concert d’avril 2022 en personne : entendre tous ces corps vibrer ensemble sous le dôme de la chapelle a certainement dû être une expérience mémorable.