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CRITIQUE - Célébrer la féminité en musique

CRITIQUE - Célébrer la féminité en musique

Le Festival Montréal Baroque nous offrait cette année une puissante preuve de la pertinence des productions artistiques qui commencent tout juste à tourner la page sur 24 mois de misère, en intitulant cette 20e édition Cadence féminine. Si la thématique choisie est bienvenue, les sombres nouvelles en provenance du sud ont indubitablement teinté l’écoute des spectateurs pendant les quatre jours où se succédaient conférences, concerts intimes et spectacles à grands effectifs. La proposition du festival, donner une voix à des compositrices du passé, a pris un sens encore plus concret à l’annonce de l’invalidation du jugement Roe C. Wade par la Cour suprême américaine. Dans ce contexte, il était difficile de ne pas réfléchir à la situation actuelle, même en ayant les yeux momentanément tournés vers le passé. 

Pour ouvrir le festival, la direction a choisi de présenter l’ensemble Infusion Baroque avec la soprano Ariadne Lih dans un concert intime où l’on mettait en vedette quatre compositrices et interprètes des 17e et 18e siècles. Infusion Baroque n’en est pas à ses premières armes sur ce thème. En effet, à la suite d’un concert en 2017 intitulé Virtuosa, l’ensemble propose un véritable projet d’envergure visant à présenter des figures féminines oubliées ou peu connues du public, avec des capsules sur le web, une table de discussion filmée et maintenant un disque tout fraichement sorti. Infusion Baroque était véritablement le meilleur choix pour ouvrir cette édition du festival, d’autant plus que l’intérêt du spectacle ne résidait pas simplement dans une démarche artistique pertinente, paramètre essentiel mais parfois négligé, mais également dans une exécution sans failles. 

Les musiciennes ont mis de l’avant leur excellente compréhension du discours musical présent dans les pièces instrumentales, mais également leur époustouflante virtuosité. À ce titre, saluons le travail d’Alexa Raine-Wright et d’Andrea Stewart dans la sonate pour flûte de Wilhelmine von Bayreuth, assurément un des moments forts du concert.

La figure féminine la plus connue du programme reste sans doute Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre dont on a pu entendre une sonate en trio, mais surtout l’excellente cantate Le Sommeil d’Ulisse portée par la voix d’Ariadne Lih. On est tout de suite frappé par la diction exemplaire de la soprano. Rarement peut-on suivre l’argument d’une cantate du 17e siècle sans texte imprimé, mais Aridane Lih démontre toute sa maitrise du style en réalisant cet exploit, tout en sculptant chaque note, chaque passage avec de riches ornements qui ne nuisent en rien à la compréhension. C’est là un véritable travail d’orfèvre, où rien n’est laissé au hasard, mais dont émane néanmoins une aisance déconcertante.

Il est donc tout naturel que devant un tel spectacle, oregrette l’espace choisi pour le concert. Une petite salle, certes fort jolie, mais affublée d’une acoustique sèche et où les nombreux sièges réservés, vacants pour la plupart, forcent les amateurs de musique à s’assoir loin de la scène. Quel dommage de voir et d’entendre autant de talent de si loin, au profit de spectateurs qui brillaient par leur absenceOn en vient à se demander si la dichotomie entre concerts intimes et grands concerts ne se fait pas au détriment de certains artistes dont le travail mériterait d’être entendu par le plus grand nombre.

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Passerelle : Virtuoses

Production : Festival Montréal Baroque
Théâtre Rialto, 23 juin 2022

INT : Ariadne Lih (soprano), Infusion Baroque

Passerelle : Virtuoses

Production
Festival Montréal Baroque
Représentation
Théâtre Rialto
Interprète(s)
Ariadne Lih (soprano), Infusion Baroque
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