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CRITIQUE - La mémoire équivoque : Une histoire de temps

CRITIQUE - La mémoire équivoque : Une histoire de temps

Ce dimanche 27 mars a eu lieu, à Montréal, le concert La mémoire équivoque mettant en vedette lœuvre de Jean Lesage à la Salle Pierre Mercure. Placé sous le topos artistique de la mémoire, Jean Lesage invite à travers ses œuvres autant auditeurs, interprètes que compositeurs à repenser le phénomène musical dans son expérience et dans la création de son souvenir. De fait, si la musique résiste au temps en grande partie grâce à la mémoire de ceux qui lentendent, et que le concept de mémoire évoque, promet et permet un souvenir commun, il advient néanmoins que les souvenirs laissés sont insaisissables et propres à chacun. Ainsi, Jean Lesage invite à reconsidérer l’expérience d’un concert à travers son répertoire : « jeux du souvenir et de l’oubli, en une interprétation-manipulation de la mémoire » ; telle est sa vocation. 

Le corpus présenté se compose de cinq œuvres ordonnées sans logique apparente : Saturnales (2015), Quatuor à cordes n° (création), Trois Méditations sur la vie céleste de Charles G. (2007), Le Livre des mélancolies (1999) et Les Sensations confuses (1993). Chaque pièce était accompagnée par des projections visuelles en arrière-plan, réalisées par Sylvain Marotte. Il se peut que ces projections n’aient pas supporté ou renforcé linterprétation des œuvres, mais qu’au contraire elles aient, par leur contraste, rompu avec l’imaginaire du compositeur et du spectateur. De fait, les éléments visuels, hormis l’éclairage subtil de François Doyon, ont perturbé l’écoute attentive nécessaire au répertoire de Jean Lesage. Mais lenvoûtante prestation de Magali Simard-Galdès au chant vient rapidement reconduire notre attention au bon endroit. La clarté et la puissance de sa voix mariée à celle du cor, brillamment exécuté par Pamela Putnam, dans les Trois Méditations sur la vie céleste de Charles G. donne lieu à la création d’un accord parfait entre ces textures.

En reprenant les termes du musicologue Philippe Beaussant, lœuvre de Jean Lesage se veut être un passage entre le passé de l’Art, par ses clins d’œil au baroque, et ses visions de l’avenir, par la création de textures sonores inédites. La Mémoire équivoque joue effectivement avec notre mémoire, mais aussi nos sensations, nos perceptions ainsi que notre attention, et se soucie de chaque élément constitutif du souvenir. Ainsi, l’auditeur s’engage dans une réminiscence, une réinterprétation d’un temps, d’un lieu qu’il soit celui du présent ou d’un autre temps. 

En nous faisant traverser diverses mémoires le temps d’un concert, Jean Lesage parvient à nous faire voyager dans différents temps, allant de celui de lœuvre musicale à celui de l’Histoire de la musique en passant par nos propres rapports à linterprétation et à l’imaginaire qu’insuffle son répertoire.

La mémoire équivoque

Œuvres de Jean Lesage
ORC : Ensemble de la SMCQ et Quatuor Bozzini

Production
Société de musique contemporaine du Québec
Représentation
Salle Pierre-Mercure , 27 mars 2022
Direction musicale
Guillaume Bourgogne
Instrumentiste(s)
James Campbell (clarinette)
Interprète(s)
Magali Simard-Galdès (soprano)
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