Critiques

CRITIQUE - Passionnément Bach!

CRITIQUE - Passionnément Bach!

Photographie : Irène Brisson

C’est à Québec que l’ensemble vocal et instrumental L’Harmonie des saisons, fondé par Mélisande Corriveau et Eric Milnes, a commencé sa tournée de quatre concerts de la Passion selon saint Jean de Bach. Bien qu’existant depuis 12 ans et ayant plusieurs disques à son actif, cet ensemble, qui joue sur des instruments d’époque (exception faite pour l’orgue positif), est encore peu connu à Québec. Le concert du 24 mars lui aura cependant permis d’y laisser son empreinteL’ensemble a choisi pour cadre la belle église Saint-Dominique de la Grande-Allée, un endroit inspirantdont l’acoustique sert bien ce genre de répertoire. 

En guise de prélude, Julia Wedman, violon-solo de l’ensemble, a interprété la Sarabande de la Partita 2 en  mineur de Bach, dont l’intériorité préparait bien à l’oratorio. Neuf artistes lyriques se partageaient les personnages intervenant dans la Passion et huit tenaient également le rôle du chœur. 

Le rôle de l’Évangéliste, clé de voûte de l’œuvre, a été confié au ténor chilien Rodrigo del Pozoun excellent choix à tous points de vue : la voix est belle, souple et légère, et se prête à toutes les inflexions des nombreux récitatifsTantôt servant d’intermédiaire entre les divers personnages, tantôt au cœur de l’actiondel Pozo nous fait vivre l’action, et a mis beaucoup d’expression et de sensibilité dans les passages dramatiques, tel le reniement de Pierre, la flagellationle couronnement d’épines de Jésus ou le tremblement de terre.

La basse montréalaise William Kraushaar a su mettre en valeur les brèves interventions de Jésus dont le ton change au fil des événements, répondant d’abord d’une voix ferme et puissante par quelques phrases arioso aux questions de ses détracteurs avant de montrer sa souffrance sur la croix.

Les récitatifs de Pilate ont été confiés au baryton américain Sumner Thompsonqui a chanté également avec beaucoup de sensibilité l’arioso de l’âme accablée, et deux airs entrecoupés de chœurs. L’oratorio de Bach comprend en effet des airs méditatifs qui ont été très bien servis par les chanteurs : la soprano franco-chilienne Denise Torre Ormeñonous séduit par sa voix à la fois cristalline et délicate. Le ténor Philippe Gagné a fait preuve de raffinement et de nuances dans ses trois airsapportant une touche théâtrale à celui évoquant les remous qui ont suivi la mort de Jésus. J’ai beaucoup apprécié le contre-ténor Michael Taylor pour la rondeur et la projection de sa voix et pour sa musicalité : il a su nous toucher profondément dans l’émouvant Es ist vollbracht (tout est consommé), divinement dialogué avec la viole de gambe de Mélisande Corriveau. Un sommet ! 

Bien que modeste en nombre, le chœur avait de quoi impressionner en incarnant la foule (la turba) hostile à Jésus, se déchaînant contre lui et le tournant en dérision. Il a rendu avec beaucoup de sobriété les chorals de compassion chers à Bach. Le tout était encadré par l’imposant chœur d’ouverture et la fervente prière conclusive. 

L’ensemble instrumental – 17 musiciens et musiciennes sauf erreur –, dirigé avec autorité par son chef Eric Milnes, s’est montré remarquable. De beaux airs concertants avec les solistes ont mis notamment en valeur la flûtiste Anne Thivierge et le hautboïste Matthew Jennejohn, que l’on a pu entendre sur un oboe da caccia.

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Passion selon saint Jean
Passion selon saint Jean BWV 245, Jean-Sébastien Bach
Production : L’Harmonie des saisons
Église Saint-Dominique, Québec
24 mars 2022, 19 h 30

INT : Ensemble vocal et instrumental L’Harmonie des saisons
DM : Eric Milnes

Production
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