CRITIQUE - Salle Bourgie – Une finale en apothéose pour Marie-Nicole Lemieux
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Marie-Nicole Lemieux
Photographie : Geneviève Lesueur
Dès son entrée sur scène, Marie-Nicole Lemieux est apparue rayonnante de sérénité, visiblement heureuse de retrouver son public. La première moitié du récital était consacrée à Brahms. Pour les Zwei Gesänge, deux lieder portant sur l’amour maternel composés par Brahms pour ses amis l’altiste Joseph Joachim et son épouse Amalie, la contralto et le pianiste Daniel Blumenthal étaient rejoints par Victor Fournelle-Blain à l’alto. La chanteuse a servi ces très belles mélodies avec beaucoup de sobriété, tout comme elle l’a fait pour les Vier ernste Gesänge op. 121, un cycle fondé sur des textes religieux traitant de la misère humaine et de la fragilité de la vie.
C’est dans une dynamique tout à fait différente que Marie-Nicole Lemieux a interprété le cycle Expressions lyriques de Massenet pour clore la soirée. Œuvre tout à fait singulière, les Expressions lyriques sont dédiées à la muse du compositeur français, la mezzo-soprano Lucy Arbell qui a créé plusieurs rôles des derniers opéra de Massenet, dont celui de Dulcinée dans Don Quichotte (1910). Combinant passages déclamés et chantés, un procédé suggéré par Lucy Arbell, l’écriture de Massenet dans les Expressions lyriques souligne la volupté de l’amour charnel évoqué dans les textes qu’il met en musique dont plusieurs sont d’ailleurs l’œuvre de poétesses telles que Jeanne Dortzal et Madeleine Grain.
Marie-Nicole Lemieux, qui a découvert cette musique lorsqu’elle a participé à l’enregistrement de l’intégrale des œuvres de Massenet avec Atma classique, a chanté ce cycle avec une énergie décuplée. Sur scène, la contralto s’est amusée et investie complètement dans l’interprétation de cette œuvre. Dans le troisième numéro intitulé « En voyage », l’alternance entre déclamation et chant a permis à l’interprète d’incarner tour à tour les différents personnages qui prennent la parole. C’est avec beaucoup d’humour et un trait de malice que la chanteuse a livré sa performance.
Tout au long de cette deuxième partie du récital, le public a été d’ailleurs très réceptif et suivait attentivement le texte à en juger par les bruissements des pages du programme qui étaient tournées de manière synchronisée. Les contrastes présents dans la musique de Massenet ont été très bien rendus par la chanteuse, qui s’est accordé des envolées toujours surprenantes tant sa voix était ample et puissante, mais bien dosée au regard du texte qu’elle interprétait. Elle a bénéficié du soutien de Daniel Blumenthal qui, bien que discret, a appuyé la vision artistique de la contralto.
Le dernier numéro des Expressions lyriques, les « Feux-follets d’amour », a été une apothéose. Marie-Nicole Lemieux, visiblement emballée par ce numéro final, esquissait quelques pas de danse avant même que Daniel Blumenthal ne commence l’introduction au piano. Tout au long de ce numéro, elle a joué, même en tournant la page de la partition sur le lutrin. Elle s’est amusée, tantôt séductrice, tantôt moqueuse et s’est laissée emporter par la musique. La communication entre la chanteuse et l’assistance était à son comble lorsque celle-ci a éclaté d’un rire musical sous les applaudissements chaleureux du public. Ce n’est qu’après avoir offert deux rappels que la grande artiste a finalement quitté le public qui l’aurait écoutée encore longtemps.
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Zwei Gesänge, op. 91 et Vier ernste Gesänge, op. 121 de Johannes Brahms et Expressions lyriques de Jules Massenet
Production : Salle Bourgie
Salle Bourgie, 1e décembre 2021
INT : Marie-Nicole Lemieux (contralto)
PIA : Daniel Blumenthal
INS : Victor Fournelle-Blain (alto)
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