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CRITIQUE- Festival de Lanaudière 2021- Karina Gauvin et Les Violons du Roy : un plaisir simple et pur

CRITIQUE- Festival de Lanaudière 2021- Karina Gauvin et Les Violons du Roy : un plaisir simple et pur

Karina Gauvin, Nicolas Ellis et Les Violons du Roy
Amphithéâtre de Lanaudière, 25 juillet 2021
Photographie : Annie Bigras

Quel plaisir ! Quel charme ! Les conditions étaient parfaites pour que ce concert soit un moment de pur bonheur au cœur de l’été. Toute la magie d’un événement à l’amphithéâtre de Lanaudière était au rendez-vous : un après-midi d’été lumineux, certes un peu chaud, mais agrémenté d’une douce brise ainsi que du chant des oiseaux et des cigales. Un écrin parfait pour accueillir la musique délicieuse, tendre mais aussi dramatique, de ce programme classique concocté par les Violons du Roy et qui avait préalablement pris l’affiche au festival du Domaine Forget (en salle et en webdiffusion). Mais ne cachons pas notre enthousiasme de pouvoir goûter à l’art de ces artistes en plein air. C’est là un plaisir que les mélomanes redécouvrent dans cet ère post-pandémique.

Tête d’affiche aimée et admirée, la soprano Karina Gauvin éblouie par un timbre de plus en plus riche et profond, mais surtout par une musicalité exceptionnelle et un sens du drame clair et précis. Les deux scènes extraites d’Armine (soit « Enfin, il est en ma puissance…Ah ! quelle cruauté de lui ravir le jour ! Venez, secondez mes désirs », de l’acte 2, et « Ah ! si la liberté me doit être ravie », de l’acte 3) permettaient à l’artiste lyrique de dévoiler sa facette de tragédienne. En effet, si le style musical était toujours juste, c’est dans le jeu dramatique que Karina Gauvin émerveille le public. La musique de Gluck ne pouvait être mieux servie que par cette interprétation théâtralement maîtrisée, sans lourdeur ni emphase du côté de la musique. Un équilibre judicieux, mais rare et précieux.

Les deux airs de Vitellia, extraits de La Clemenza di Tito de Mozart, sont des numéros de bravoure fort périlleux qui demandent une technique irréprochable. La voix de Karina Gauvin a ici pris une ampleur nouvelle, non seulement en matière de volume mais aussi du côté de la tessiture vocale – ce rôle allant vers un registre très grave pour la soprano – ce qui lui a permis d’attaquer ces airs avec une admirable maîtrise et une musicalité toujours à fleur de peau. Soulignons plus particulièrement l’air du deuxième acte « Ecco il punto, o Vitellia … Non più di fiori vaghe catene », auquel s’est joint avec grand bonheur le clarinettiste Stéphane Fontaine, qui concluait admirablement le programme par une interprétation vive, sensible et spectaculaire. En rappel, Karina Gauvin nous a fait plaisir autant qu’à elle-même en chantant un air de Despina tiré de Così fan Tutte au ton moqueur et goguenard.

Certes, la convention jette les feux de la rampe sur la soliste invitée, mais les grands héros de ce concert étaient bel et bien les Violons du Roy et le chef Nicolas Ellis. On ne le dira jamais assez, mais cet orchestre de chambre est un joyau : la chaleur du timbre, la justesse et le raffinement des articulations, le bon goût et la noblesse du jeu, ces musiciens démontrent le meilleur d’eux même dans un répertoire qu’ils maîtrisent avec panache. L’accompagnement dans les airs d’opéra était tout bonnement divin, toujours alerte et sensible, en phase avec les intentions de la soliste.

Quant à la portion purement instrumentale du concert, elle regroupait judicieusement la Symphonie no 39 d’Haydn avec la Symphonie no 25 de Mozart, soit deux œuvres en ré mineur, à l’orchestration similaire. Si celle d’Haydn s’inscrivait dans la mouvance du Sturm und Drang, celle de Mozart était clairement marquée par l’influence de son mentor et ami. Elles ont fait l’objet d’une interprétation brillante du jeune chef. Nicolas Ellis ne sombrait pas dans la facilité et choisissait des tempos appropriés tout en usant de flexibilité dans le déroulement de la partition. Comble du bonheur, la communication entre les musiciens et le chef étaient palpable. Nicolas Ellis pétrissait tangiblement l’onctuosité des cordes avec les couleurs franches et lumineuse des vents (dont un quatuor de cors royal se trouve au cœur des deux symphonies) et laissait toute la place aux musiciens dans l’expression de leurs talents.

Ce concert aux délices multiples est assurément l’un des beaux rendez-vous de cette édition du festival de Lanaudière, dont on gardera un souvenir tendre et ému.

Nicolas Ellis et Les Violons du Roy
Amphithéâtre de Lanaudière, 25 juillet 2021
Photographie : Annie Bigras

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Karina Gauvin et les Violons du Roy en majesté

Œuvres d’Haydn, Gluck et Mozart
Production : Festival de Lanaudière Dimanche 25 juillet 2021

INT : Karina Gauvin, soprano
DM : Nicolas Ellis
ORC : Les Violons du Roy

Production
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