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CRITIQUE - Humour, véhémence et gravité pour le concert Mahler de l’Orchestre de l’Agora

CRITIQUE - Humour, véhémence et gravité pour le concert Mahler de l’Orchestre de l’Agora


Vanessa Croome et l'Orchestre de l'Agora
Photographie: Kevin Calixte

Des Knaben Wunderhorn (traduit en français comme Le Cor merveilleux de l’enfant) est une collection de lieder composés par Gustav Mahler sur des chants populaires tirés du recueil éponyme préparé par Achim von Arnim et Clemens Brentano, publié au début du XIXe siècle. Sous la baguette de Nicolas Ellis, les musiciens et musiciennes de l’Orchestre de l’Agora ainsi que les chanteurs et chanteuses de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal ont livré une interprétation captivante de cette œuvre aux numéros aussi variés qu’intéressants.

Parmi les moments forts de ce concert, il faut souligner l’excellente performance de Vanessa Croome qui éclipse ses collègues dès sa première apparition pour le deuxième numéro « Lob des hohen Verstands ». Le numéro relate l’histoire d’un rossignol et d’un coucou tentant de déterminer lequel des deux chante le mieux. Ils prennent aussi à parti un âne dont la grandeur des oreilles devrait garantir le bon jugement. La musique de Mahler fait un usage judicieux d’images sonores et de figuralismes que Vanessa Croome exploite avec un grand talent, autant par la maitrise de son instrument et du timbre (notamment sur les interjections « hi-han » imitant le cri de l’âne) que par sa présence très dynamique sur scène. Nul besoin de comprendre l’allemand, dont la diction de la soprano est par ailleurs très claire, pour saisir le propos humoristique de ce numéro ; son aplomb suffit amplement. Dans un registre tout à fait opposé, son interprétation de « Das himmlische Leben » (La vie céleste) met encore une fois en évidence sa grande maîtrise de son instrument. La dernière partie de ce numéro est en outre un des beaux moments de ce concert ; le soin apporté par Nicolas Ellis dans la direction y a aussi son importance.

Jean-Philippe Mc Clish se distingue d’abord dans « Des Antonius von Padua Fischepredigt » (La prêche de saint Antoine de Padoue aux poissons) où l’on sent que l’interprétation est dosée et fait appel à un large éventail d’émotions. Les premiers numéros auraient peut-être gagné à être joués avec plus de subtilité plutôt que de tenir fermement une attitude véhémente qui ne manquait cependant pas de conviction. Cette posture a pourtant merveilleusement servi son interprétation de « Revelge » (Appel d’éveil) ; cette dernière apparition du baryton-basse a été tout à fait énergique et vraiment intéressante. Jean-Philippe Mc Clish semble avoir bien saisi les possibilités interprétatives que permet la caméra, en ce qui a trait aux expressions faciales. Cela a rendu sa performance très animée.

Geoffrey Schellenberg livre aussi une très belle performance, qui trouve son apogée dans « Der Tambourg’sell » (Le petit joueur de tambour), alors qu’il parvient de manière poignante à transmettre le désespoir et la gravité qui caractérise l’état d’esprit du personnage à qui il prête sa voix. Aux côtés de leurs collègues, les performances de Florence Bourget et Kirsten Leblanc sont certes de même calibre au point de vue vocal, mais manquent en revanche d’éclat sur le plan de l’interprétation et de la présence scénique. Soutenus par dix-sept des musiciens et musiciennes formant l’Orchestre de l’Agora, les jeunes artistes lyriques interprètent somme toute magnifiquement ce programme Mahler dans la très belle Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Dommage qu’il n’y ait pas eu de public pour applaudir ces jeunes artistes ; ils et elles le méritent bien !

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Mahler : Aurore et crépuscule
Des Knaben Wunderhorn, lieder pour voix et orchestre (version arrangée par Klaus Simon)

INT : Florence Bourget (mezzo-soprano), Vanessa Croome (soprano), Kirsten Leblanc (soprano), Jean-Philippe Mc Clish (baryton Basse), Geoffrey Schellenberg (baryton)
DM : Nicolas Ellis ORC : Orchestre de l’Agora

Concert enregistré le 13 février 2021 à la Chapelle Notre-Dame de Bon-Secours

En webdiffusion du 28 février au 14 mars
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Production
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