Critiques

CRITIQUE - Handel à Montréal ou un voyage musical en Nouvelle-France

CRITIQUE - Handel à Montréal ou un voyage musical en Nouvelle-France

Arion Orchestre Baroque sous la direction de Mathieu Lussier
Magali Simard-Galdès

Voilà maintenant un an que le milieu musical québécois est privé de ses concerts en salle. Maintenant habituée à la formule de la webdiffusion, il est plutôt difficile de se faire surprendre. Or, c’est ce qu’Arion Orchestre Baroque réussit à faire avec Handel à Montréal, un concert thématique au concept fort intéressant. 

L’ensemble nous propose d’accompagner nul autre que Georg Friedrich Handel dans un voyage au cœur de Ville-Marie, ancêtre de notre chère ville de Montréal. Leur proposition ne constitue pas qu’une simple histoire servant à guider l’écoute du public, mais bien une expérience historique, visuelle et auditive complète. En effet, le concert débute avec les discours de Mathieu Lussier et Isabelle Chartier – respectivement directeur musical et membre du conseil d’administration de l’ensemble – qui nous décrivent la Nouvelle-France en nous informant notamment sur sa situation géographique et son contexte socioculturel. Entre les différentes pièces, des images de la ville issues des archives de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec sont présentées, permettant de rendre l’expérience encore plus immersive ; on découvre ainsi à quoi ressemblait le Montréal d’antan. Le concept s’étend également jusque dans la musique, puisque le programme est présenté de façon plutôt inusitée : l’orchestre alterne les différents mouvements des concerti grossi opus 6 no 5 et no 7, avec des airs d’opéras du compositeur. Ainsi, on peut imaginer Handel se promenant et découvrant les paysages de Ville-Marie, lors des pièces instrumentales, et interagir avec les habitants durant les airs chantés.

En ce qui concerne la musique, on peut dire qu’Arion a visé juste en choisissant les œuvres du programme. Si, en début de concert, Mathieu Lussier parle de la musique d’Handel comme étant vivante et pleine de contrastes, on peut le constater à travers le répertoire. L’arrivée du compositeur en Nouvelle-France est dépeinte par le majestueux premier mouvement du concerto grosso en si bémol majeur suivi de son deuxième mouvement énergique et plein de fougue, qui semble traduire l’enthousiasme fictif d’Handel foulant le sol de Ville-Marie. Durant les pièces instrumentales, Arion semble en parfaite communion ; l’orchestre ne fait qu’un, respire et joue ensemble. L’énergie qui se dégage du chef d’orchestre est contagieuse et s’entend dans la musique ; celle-ci est légère et animée, les attaques des cordes sont bondissantes et l’esprit baroque est tout à fait présent.

Pour sa part, Magali Simard-Galdès livre une performance à la hauteur de ce qu’on peut s’attendre d’elle. Elle présente avec une grande éloquence les cinq airs qu’elle interprète et son discours, passionné et convaincant, donne envie de l’entendre chanter. Dans les deux premiers airs, provenant des opéras Giulio Cesare in Egitto et Rinaldo, la soprano semble en plein contrôle et se démarque par la qualité de son ornementation, qui est rendue avec une précision hors du commun. Les troisième et cinquième airs, tirés respectivement d’Alcina et de Giulio Cesare in Egitto, lui permettent de démontrer sa grande technique sous un angle différent ainsi que sa capacité à incarner un personnage. Le moment fort du concert est, sans l’ombre d’un doute, le Piangerò la sorte mia, entremêlant tristesse et colère : la force avec laquelle est conviée la colère frôle la perfection et rend l’interprétation franchement unique.

Le concert se clôt avec les derniers mouvements du concerto grosso en majeur, qui se prêtent fort bien à la thématique. La métrique ternaire du magnifique sixième mouvement marque de façon très juste le départ d’Handel, vers sa contrée d’origine. On ne peut que remercier Arion pour ce joli moment musical avec une touche éducative, qui a su renouveler la formule du concert en webdiffusion.

****

Handel à Montréal
Œuvres de Georg Friedrich Handel : Concerto grosso op. 6 no 5 en majeur HWV323, Concerto grosso op. 6 no 7 en si bémol majeur HWV 325, ainsi que des extraits de Giulio Cesare in Egitto HWV 17, Rinaldo HWV7 et Alcina HWV34.

INT: Magali Simard-Galdès (soprano)
DM : Mathieu Lussier
ORC : Arion Orchestre Baroque

Production : Arion Orchestre Baroque
En webdiffusion jusqu’au 2 avril 2021
Pour se procurer un accès au concert

Production
Partager: