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CRITIQUE - KARINA GAUVIN ET CLAVECIN EN CONCERT : UN PROGRAMME EN DEUX TEMPS

CRITIQUE - KARINA GAUVIN ET CLAVECIN EN CONCERT : UN PROGRAMME EN DEUX TEMPS

Karina Gauvin
Photographie : Michael Slobodian

Les amateurs et amatrices de musique baroque se réjouissaient d’apprendre que c’est avec Karina Gauvin que Clavecin en Concert ouvrirait l’année 2021. Sans compter que les artistes de ce concert sont de ceux dont la seule évocation suffit à rassurer n’importe quel baroqueux ; Amanda Keesmaat et Grégoire Jeay se sont joints à Luc Beauséjour pour accompagner la soprano de renommée internationale. Au chapitre des compositeurs traités lors du concert, on retrouvait Bach et Haendel ; des valeurs sûres, et tout semblait donc en place pour assurer un concert mémorable.

Cela dit, les 30 premières minutes ont paru un peu fades. Cette première partie nous a laissés entendre une sélection d’œuvres du Petit Livre d’Anna Magdalena Bach. Si l’ouvrage est bien connu des amateurs de musique classique, on questionne l’idée d’en faire un programme de concert. En effet, une collection d’œuvres de plumes si diverses et dont l’intérêt principal réside davantage dans la pédagogie plutôt que dans l’exercice du concert, n’offre pas de fil conducteur fort comme ont pu le faire les cantates présentées dans la seconde moitié du concert. Si l’ensemble est exécuté avec raffinement et aisance, on est en droit de se demander à qui s’adresse un tel programme. Sans doute conviendrait-il à une session de découverte de la musique classique pour non-initiés. Néanmoins, pour une prestation d’un ensemble de la trempe de Clavecin en Concert, présenté dans la splendide salle Bourgie pour un public connaisseur, on regrettera le manque d’audace.

Les premières notes de la cantate Pastorella, vagha bella de Georg Philipp Telemann ont complètement contrasté avec tout ce qu’il nous avait été donné à entendre jusqu’alors. La musique, composée pour un contexte de représentation, parle d’elle-même. Le talent naturel de Karina Gauvin pour le répertoire de cantate a, quant à lui, redonné un souffle au concert. La soprano a prouvé une nouvelle fois son intelligence artistique, dosant à merveille les moments où laisser libre cours à l’émotion et ceux où laisser entendre le continuo. Saluons au passage le travail d’Amanda Keesmaat au violoncelle pour son ton riche et chantant qui a soutenu la chanteuse, allant même, par moment, jusqu’au dialogue.

La Sonate en mi mineur HWV 359b de Haendel nous a ensuite permis d’entendre pour la première fois du concert le flûtiste Grégoire Jeay. Nous avons tout de suite été charmés par un mouvement Grave raffiné et des Allegro servis avec panache. Grégoire Jeay a fait preuve d’une grande virtuosité ainsi que d’un sens indéniable de l’ornementation. L’Adagio, simplissime dans la partition, s’est transformé sous les doigts du musicien et a offert un des moments les plus tendres du programme.

Au final, on retiendra un concert fort bien ficelé, servi par des artistes parmi les meilleurs du pays, mais dissimulé derrière une première partie sans fantaisie.

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« Karina Gauvin et l’ensemble Clavecin en concert – En ligne »

Extraits du Petit Livre d’Anna Magdalena Bach de J. S. Bach ; Cantate Pastorella, vagha bella pour soprano, clavecin obligé et basse de Telemann ; Sonate en mi mineur pour flûte et basse continue (HWV 359b) et Cantate Mi palpita il cor pour soprano, flûte et basse continue (HWV 132c) de Haendel.

INT : Karina Gauvin (soprano), Grégoire Jeay (flûte), Amanda Keesmaat (violoncelle), Luc Beauséjour (clavecin)
ENS : Clavecin en concert
Production: Salle Bourgie, Musée des beaux-arts de Montréal, 3 février 2021.

Le concert est disponible en webdiffusion ici, jusqu’au 17 février.

Production
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