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CRITIQUE - L’OSM et Labadie : Pour un Noël réconfortant

CRITIQUE - L’OSM et Labadie : Pour un Noël réconfortant

                                      

 Anna-Sophie Neher
Photographie: Antoine Saito 

ODu 15 décembre au 5 janvier, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) met en ligne un concert à prix modique, consacré à deux œuvres maîtresses de Vivaldi et de Haendel.  Il faut s’y habituer, sans doute pour un certain temps : la fermeture des salles de spectacle depuis le printemps nous a précipités plus vite que prévu dans l’univers du concert sur le web, avec ses bons et ses moins bons côtés. J’avoue que me lover confortablement dans mon fauteuil pour regarder et écouter un concert est un petit velours très apprécié, surtout en plein hiver. Le prix du billet d’un concert virtuel étant nettement moins onéreux que celui d’un concert habituel, celui-ci devient aussi plus accessible pour un public au budget limité ou simplement désireux de découvrir la musique classique. Toutefois, le désert qu’est une salle de concert sans spectateurs sans applaudissements me remplit de tristesse, de même que le port du couvre-visage pour la grande majorité des instrumentistes. De plus, regarder et écouter un concert sur un écran d’ordinateur ou de tablette, ou pire, sur celui d’un téléphone cellulaire, ne garantit pas une qualité irréprochable.

                                Orchestre symphonique de Montréal
                                    Photographie: Antoine Saito 

Un orchestre bien allégé, avec moins d’une trentaine d’instrumentistes occupant la grande scène de la Maison symphonique de Montréal, voilà qui devait sans doute donner à Bernard Labadie l’impression de se retrouver en compagnie de ses chers instrumentistes de l'ensemble Les Violons du Roy. J’avoue avoir été quelque peu indisposée de voir la vingtaine de choristes de l’OSM – au demeurant excellents –, relégués en arrière de la scène, au niveau de la corbeille ou du chœur, tous à distance de deux mètres. La plupart, à moins de garder leur couvre-visage, chantaient en arrière d’un panneau de Plexiglas, même s’il n’y avait pas de public dans la salle. Je me suis demandée comment cela sonnait sur place, et surtout quelle cohésion et quelle communion pouvaient avoir les choristes, ainsi isolés les uns des autres, avec en plus une telle barrière sonore. La mise en place de certains passages fugués a d’ailleurs un peu souffert de cette « distanciation sociale ». Les contraintes que nous vivons m’ont rappelé qu’au temps de Vivaldi, mais pour d’autres raisons, les musiciennes de la Pietà, que le compositeur dirigeait, étaient aussi cachées dans une tribune grillagée, à l’abri des regards indiscrets !

Enregistré le 1er décembre 2020, le concert de l’OSM, d’une durée d’un peu plus d’une heure, était consacré à deux œuvres plutôt festives, associables aux fêtes de Noël : le Gloria de Vivaldi et la première partie du Messiah de Händel, couronnée par le triomphal « Hallelujah » qui suit la Résurrection.

Très à l’aise et toujours en contrôle, Bernard Labadie a su insuffler au Gloria de Vivaldi un caractère à la fois lumineux, intense et dynamique, et ce, dès les premiers accents du chœur d’introduction. Trois excellentes solistes se répartissaient les airs : les sopranos Anna-Sophie Neher et Stéphanie Manias, divines et pleines de raffinement dans leur duo du « Laudamus Te » et la mezzo-soprano Julie Boulianne, dont la première intervention, le « Domine Deus », bien enveloppée par les répliques du chœur, était bouleversante de piété et de profondeur. L’inspirant dialogue du « Domine Deus » entre le hautboïste Vincent Boilard et Anna-Sophie Neher était également un moment de grâce qui recréait une atmosphère de musique de chambre. Les chœurs, exubérants, comme dans le premier mouvement et dans sa reprise du « Quoniam », ou dans le vigoureux « Domine, Fili unigenite », ont mis en valeur les passages contrapuntiques ou récités des prières plus intérieures, comme le deuxième mouvement, « Et in terra pax », le « qui tollis peccata mundi » ou le solennel « Cum sancto spiritu » conclusif.

                                              Bernard Labadie 
                                                      Chef
                                 Orchestre symphonique de Montréal
                                     Photographie: Antoine Saito 

Du Messie de Händel qui a été, soit dit en passant, composé l’année de la mort de Vivaldi (1741), Bernard Labadie – un habitué de cette œuvre –, a retenu l’ouverture, allègrement menée, ainsi que 12 mouvements, dont la délicate Pifa instrumentale, faisant ressortir son caractère rustique au moyen de belles articulations évoquant les musettes des bergers. Son choix vocal s’est articulé autour des airs pour voix féminines et des chœurs. En l’absence des solistes masculins, il était surprenant de passer directement de l’ouverture au récitatif et à l’air d’alto – cette partie étant chantée par Julie Boulianne – « O thou that tellest good tidings to Zion ». Si l’essentiel de ces extraits avait pour sujet la naissance du Messie, Labadie y a ajouté deux airs de la deuxième partie ainsi que l’incontournable « Hallelujah ! ».

La soprano Anna-Sophie Neher, dont on sentait le plaisir à chanter Händel, possède une voix pleine de fraîcheur et de rondeur, avec des aigus cristallins d’une grande pureté, comme on a pu s’en rendre compte dans l’air au tempo de gigue « Rejoice greatly » où elle a également fait preuve d’une belle agilité. J’ai particulièrement apprécié sa musicalité dans l’air « How beautiful are the feet ».

Bien que vocalement irréprochable, Julie Boulianne m’a laissée un peu sur ma faim sur le plan expressif : elle m’a parue très réservée et semblait manquer un peu de conviction et de présence. Cela m’a particulièrement frappée dans le duo « He shall feed his flock » avec la lumineuse Anna-Sophie Neher.

Le chœur de l’OSM, hautement professionnel, et dont on a pu apprécier les qualités, surtout dans de telles circonstances, était cependant limité dans ses effectifs pour chanter avec l’ampleur voulue l’« Hallelujah », sur lequel se terminait ce concert. Il a fallu dans ce mouvement toute l’expérience de Bernard Labadie pour éviter des flottements. Ce concert nous a aussi donné l’occasion d’apprécier l’excellence de l’OSM en version restreinte et son adhésion à l’esprit baroque, insufflé par le chef invité.

*****

« L’OSM célèbre le temps des fêtes avec Vivaldi et Handel »
Oeuvres de Vivaldi et Handel

DM : Bernard Labadie 
INT : Anna-Sophie Neher, Stéphanie Manias, sopranos ; Julie Boulianne, mezzo-soprano ; chœur de l’Orchestre symphonique de Montréal.
ORC : Orchestre symphonique de Montréal
Production: Orchestre symphonique de Montréal

Concert donné en webdiffusion le 1er décembre à la Maison symphonique de Montréal. Disponible en ligne du 15 décembre au 5 janvier

 


Production
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