Critiques

CRITIQUE- I Musici de Montréal- Sombre clarté : Entre le baroque italien et la musique contemporaine

CRITIQUE- I Musici de Montréal- Sombre clarté : Entre le baroque italien et la musique contemporaine

Myriam Leblanc et Maude Brunet
Sombre et clarté
I Musici de Montréal, 12 novembre 2020
Photographie (capture d'écran) : Daniel Turp

PhtogL’orchestre de chambre I Musici de Montréal présentait le 12 novembre dernier, en webdiffusion, le concert Sombre clarté, dont le judicieux titre décrit avec précision le répertoire qui a été interprété. Alors que le concert était tout d’abord consacré à des œuvres des compositrices Missy Mazzoli et Kelly-Marie Murphy dans une sombre atmosphère, il s’est terminé dans un éclat des plus lumineux avec la présentation du Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolèse. 

Dark with Excessive Bright, de Missy Mazzoli, l’un des rares concertos existants pour contrebasse, a été rendu avec grâce et précision par Yannick Chênevert. Généralement relayé au rôle de soutien harmonique, on a pu apprécier toute la beauté de la sonorité de cet instrument qu’est la contrebasse, notamment à travers le thème très mélodique du premier mouvement. Le contrebassiste Chênevert a démontré toute sa versatilité à travers un excellent équilibre entre sa virtuosité et sa technique de jeu contemporaine. 

La transition entre le concerto et la création mondiale de l’œuvre In the Time of Our Disbelieving de Kelly-Marie Murphy s’est fait naturellement, les deux œuvres partageant une ambiance poignante teintée d’angoisse. Cette seconde pièce s’insère facilement dans notre réalité actuelle : elle aborde un monde où les gens ne croient plus à la science et ont perdu espoir en l’humanité. La forte unité de l’orchestre a pu être relevée à travers les nombreux passages où une même note staccato était répétée et où des accents fusaient aux endroits les plus inattendus ; ces passages rappelaient la célèbre séquence des cordes de la « Danse des adolescents » du Sacre du printemps de Stravinski. Le support inébranlable de Maestro Zeitouni, dont la direction était claire et précise, a sans l’ombre d’un doute assuré la stabilité qui était nécessaire à cette interprétation. 

La pièce de résistance, le Stabat Mater de Pergolèse, a été à la hauteur de toute attente. Si cette prière en vingt versets renvoie à la douleur de la vierge Marie repensant aux souffrances de Jésus sur la croix, la musique, quant à elle, ne présente pas que douleur et désespoir. On y retrouve des airs enjoués qui présentent toute l’agilité et la légèreté du baroque italien, avec des mélodies accrocheuses et des cadences rompues qui ne cessent de nous surprendre. Les deux solistes, dont le timbre vocal s’agençait parfaitement, ont livré une performance fidèle au style baroque : une forte technique permettant une ornementation impressionnante et un vibrato léger et serré. La soprano Myriam Leblanc s’est démarquée entre autres par son timbre cristallin. Ses longues notes tenues étaient d’une pureté qui mérite d’être soulignée. La soprano peut aussi compter sur une projection vocale des plus remarquables : sa voix semblait envelopper l’entièreté de l’Église St-Jax, où avait lieu la captation. Sa comparse, la mezzo-soprano Maude Brunet, a quant à elle su nous démontrer constance et virtuosité. Son « Fac ut portem Christi mortem » a été interprété brillamment et avec expressivité. Dommage cependant que l’on ait parfois perdu sa voix sous l’accompagnement : c’est l’un des risques que présente un concert diffusé sur le web. Outre ce détail, la qualité de l’enregistrement et l’acoustique de la salle étaient des plus satisfaisantes.

Si la caméra était le plus souvent dirigée vers les solistes, on n’en oublie pas pour autant l’accompagnement de l’ensemble à cordes. Les attaques sautillantes et le jeu léger et épuré nous ont offert cette « clarté » promise dans le titre du concert. Le Stabat Mater de Pergolèse est une œuvre qui mérite d’être exécutée plus souvent et I Musici de Montréal en a offert une interprétation de qualité.

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Sombre clarté
Œuvres de Missy Mazzoli, Kelly-Marie Murphy et Giovanni Pergolèse

Production : I Musici de Montréal 12 novembre 2020 (date de la première webdiffusion) 

INT : Myriam Leblanc (soprano) et Maude Brunet (mezzo-soprano)
DM : Jean-Marie Zeitouni
ORC : I Musici de Montréal

Production
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