Critiques

Mozart et Beethoven à l’Orchestre symphonique de Montréal : De Don Giovanni à la « Pastorale »

Mozart et Beethoven à l’Orchestre symphonique de Montréal :  De Don Giovanni à la « Pastorale »

Quel bonheur de retrouver l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) à la Maison symphonique, après six longs mois d’absence ! Pour son retour en salle post-confinement, l’orchestre proposait du 11 au 13 septembre dernier une série de quatre concerts en formule distanciée (250 auditeurs et auditrices soigneusement réparti.e.s au parterre et à la corbeille de la Maison symphonique), également captés en vidéo et diffusés en format numérique. Alliant des œuvres vocales et orchestrales de Mozart et de Beethoven – dont la célébration du 250e anniversaire de naissance a été quelque peu mise à mal par la pandémie –, ces quatre concerts mettaient en vedette le chef Bernard Labadie, et, entre autres solistes, deux grandes chanteuses d’ici : Marie-Nicole Lemieux et Karina Gauvin.

Présenté le 13 septembre dernier, l’ultime concert de ce « mini-cycle » d’ouverture de saison réunissait cette remarquable distribution dans un programme constitué de l’ouverture de Don Giovanni, de deux airs de concert de Mozart (interprétés l’un par Marie-Nicole Lemieux, l’autre par Karina Gauvin) et de la symphonie no 6 « Pastorale » de Beethoven, le tout présenté sans pause pour limiter les contacts aussi bien sur scène que dans la salle. Dans le même esprit, aucun programme papier n’était distribué; tous les textes d’introduction étaient disponibles en ligne, dans une mise en page richement illustrée (une nouveauté permise par le support exclusivement numérique). Par ailleurs, un commentaire sonore permettait de mettre en contexte les œuvres entendues, et ce, au fil même du concert : les vidéos introductives réalisées en vue des diffusions en ligne étaient en effet fructueusement mises à profit pour ponctuer la performance sur scène. Il était particulièrement intéressant d’entendre Marie-Nicole Lemieux et Bernard Labadie commenter certaines des œuvres qu’ils s’apprêtaient à interpréter. 

Bref, tout était en place pour permettre au public d’apprécier la performance présentée dans une Maison symphonique à l’ambiance intimiste, créée entre autres par un éclairage particulièrement chaleureux. Et dès les premières notes, c’est la musique qui a pris le devant de la scène : sous la baguette de l’éminent mozartien Bernard Labadie, l’ouverture de Don Giovanni s’est déployée avec une ampleur remarquable, portée par un tempo vif et énergique permettant de faire ressortir avec une grande efficacité les contrastes dramatiques inhérents à l’œuvre.

Cette ouverture donnait envie d’entendre la suite de l’opéra – ou, ici, la suite du concert, assurée par Marie-Nicole Lemieux avec l’air de concert Ombra felice, une œuvre de jeunesse de Mozart. L’extraordinaire présence sur scène de la charismatique contralto rendait criants de vérité les adieux déchirants d’Énée à la reine Didon, mis en scène dans cet air; partagée avec l’orchestre, la magnifique sensibilité de son interprétation créait un son d’une grande fluidité et d’une remarquable homogénéité.

À l’autre extrême du registre de la voix féminine, la soprano Karina Gauvin brillait dans Non temer, amato bene, un air ajouté par Mozart à la partition d’Idomeneo à l’occasion d’une reprise de l’opéra en version concert en 1786. Avec sa forme rondo très développée et sa partie de violon solo concertant, cet air est une pièce de concert bien davantage qu’un extrait d’opéra; Karina Gauvin et le violoniste James Ehnes y déployaient un très beau dialogue, rivalisant de virtuosité dans une interprétation d’une grande délicatesse. 

Pièce de résistance du concert, la fameuse « Pastorale » de Beethoven était l’occasion pour Bernard Labadie de déployer toutes les facettes de sa direction à la fois légère et dynamique, mettant l’accent sur le côté classique de l’œuvre en lui donnant un souffle qui se maintenait du premier au dernier mouvement. Avec une énergie communicatrice, le chef a su créer un son à la fois puissant et délicat, tout en subtilité; les instruments solistes étaient magnifiquement mis en valeur, surtout dans la série de solos qui conclut le premier mouvement. Partout – et plus particulièrement dans l’orage du quatrième mouvement –, la direction précise et nerveuse de Bernard Labadie faisait ressortir les contrastes, déployant une grande puissance y compris dans les moments les plus lyriques. L’ensemble de la symphonie a été un moment de musique absolument magique, qui tenait en haleine du début à la fin. 


Bernard Labadie

Si le public était bien moins nombreux qu’à l’habitude (environ un fauteuil sur dix de la Maison symphonique étant occupé), tous étaient visiblement ravis d’être là, comme en a témoigné la longue ovation qui a accueilli le concert. De toute évidence, l’auditoire sera au rendez-vous pour la suite de la saison de l’OSM, dont une partie sera également diffusée en ligne.

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Airs de Mozart et Symphonie « Pastorale » de Beethoven

Œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart : ouverture de Don Giovanni, K. 527; Ombra felice, K. 255; Non temer, amato bene, K. 490; et de Ludwig van Beethoven : Symphonie no 6 en fa majeur, « Pastorale »

Maison symphonique, 13 septembre 2020 

INT : Marie-Nicole Lemieux (contralto), Karina Gauvin (soprano)
SOL : James Ehnes (violon)
ORC : Orchestre symphonique de Montréal
DM : Bernard Labadie

Production
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