Orchestre symphonique de Montréal - L'envolée classique : une démarche inusitée, une soirée mémorable
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Hélène Guilmette, Jacques Lacombe et Jean-François Lapointe
Photographie : Antoine Saito
Le chef d’orchestre Jacques Lacombe ne s’est pas trompé lorsqu’il a utilisé les termes « original » et « surprenant » dans son discours d’ouverture du concert bénéfice L’envolée classique de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) qui a eu lieu le 5 août dernier dans le stationnement de l’aéroport international de Montréal. Le retour sur scène fort attendu de l’OSM après tous ces mois de confinement a témoigné d’une imagination des plus exceptionnelles bouleversant ainsi les standards des tout concert classique. C’est pourtant une telle démarche, si inusitée soit-elle, qui permettra le foisonnement culturel du Québec dans les mois à venir.
C’est sous la forme ciné-parc que s’est déroulée L’envolée classique ; les gens étaient invités à demeurer dans leurs véhicules — qui étaient placés de manière à respecter la distanciation recommandée par la santé publique — et à syntoniser une fréquence FM leur permettant d’écouter en direct le concert qui se déroulait sous leurs yeux. Des écrans géants étaient disposés sur le site afin d’assurer une visibilité optimale pour les spectateurs et spectatrices occupant quelque 520 véhicules. La synchronicité entre la captation radio, les instrumentistes et les solistes était irréprochable, ce qui n’était pas tout à fait le cas de la vidéo, qui présentait un léger retard. Somme toute, l’ensemble était bien rendu et ce format aussi incongru qu’inhabituel ne diminuait en rien la qualité de l’expérience que proposait l’OSM, contrairement à ce que l’on aurait pu penser.
Le répertoire présenté, notamment le Le Tombeau de Couperin de Ravel et la Symphonie no 5 de Beethoven — des valeurs sûres pour l’OSM — a certainement assuré la réussite de cette soirée mémorable. Il en va de même pour les deux solistes, la soprano Hélène Guilmette et le baryton Jean-François Lapointe, qui ont interprété certains des airs les plus connus des opéras de Mozart.
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Photographie : Antoine Saito
La performance de l’OSM était fidèle à ce à quoi on pouvait s’attendre de la formation : belle définition sonore et précision en ce qui a trait au jeu et aux articulations — la performance des bois est à souligner à ce niveau. L’ouverture de La Flûte Enchantée représentait par ailleurs un excellent choix de début de concert : la fébrilité des musiciens et musiciennes de rejouer devant public rendait parfaitement justice au caractère de l’œuvre. Si la même effervescence n’était pas au rendez-vous pendant tout le concert, le quatrième mouvement de la cinquième de Beethoven, à la fois brillant, a redonné des airs de triomphe à cette prestation. Il faut mentionner que les interventions des cuivres y ont largement contribué.
Outre le fait que des coups de klaxon aient tenu lieu d’applaudissements, ce sont en définitive les quatre airs tirés de La flûte enchantée et de Don Giovanni de Mozart, interprétés par nos deux artistes lyriques, qui ont retenu toute notre attention lors de cette envolée classique. Les interprétations étaient impeccables et le format radio ne diminuait en rien la qualité des prestations vocales des deux interprètes. Le bruit des avions et de la construction environnante n’a pas empêché Hélène Guilmette et Jean-François Lapointe de faire preuve de grande virtuosité. La déclinaison de l’air si complexe qu’est le « Pa-Pa-Pa » tiré de La Flûte enchantée était sans faille, la précision et le jeu de nuances des deux artistes dans l’ensemble de leurs prestations méritant d’être soulignée. L’interprétation de cet air nous a toutefois rapidement ramené à la réalité de la pandémie, la distanciation obligée des deux solistes sur scène rendant leur histoire d’amour moins convaincante. L’OSM, comme les autres orchestres et les compagnies lyriques, aura un véritable défi à relever dans les prochains mois et qui devrait être au centre de ses priorités pour les futurs concerts, soit celui de s’assurer que les interprétations, même en respectant les règles sanitaires, ne soient pas froides et dénuées d’émotions.
Si Jacques Lacombe a su capturer l’essence du style mozartien avec brio, il n’a pu rendre la plénitude si souvent rattachée à la musique française et désiré dans l’œuvre de Ravel. De façon générale, on s’attendait à plus de fougue de la part du chef d’orchestre à renommée mondiale.
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Jacques Lacombe
Photographie : Antoine Saito
Il y a lieu de saluer le sens de l’initiative dont a fait preuve l’équipe de l’OSM en organisant ce concert-bénéfice, qui a d’ailleurs rapporté 165 000 dollars à l’organisation. À l’heure où les rassemblements intérieurs de 250 personnes ou moins sont autorisés, il sera intéressant de suivre, dans les prochaines semaines, les décisions que prendra la direction de l’orchestre relativement à à sa saison 2020-2021, du moins pour l’automne. Bien que la formule ciné-parc se soit avérée aussi agréable que surprenante, elle ne saurait équivaloir à un concert à la Maison Symphonique de Montréal - auquel nous avons toutes bien hâte d’assister !
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« L’Envolée classique »
Wolfgang Amadeus Mozart, extraits de La Flûte enchantée et Don Giovanni; Maurice Ravel. Le tombeau de Couperin; Ludwig van Beethoven. Symphonie n° 5.
Production : Orchestre symphonique de Montréal, Stationnement de l’aéroport international de Montréal, 5 août 2020.
INT : Hélène Guilmette (soprano), Jean-François Lapointe (baryton)
ORC : Orchestre symphonique de Montréal
DM : Jacques Lacombe
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