RÉTROSPECTIVE- L'oeuvre- Nelligan d'André Gagnon et Michel Tremblay
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Célébrant son trentième anniversaire depuis sa
création, Nelligan demeure certes une œuvre
récente, elle a cependant connu un parcours
particulier qui vaut la peine d’être mentionné à la
veille du lancement de la nouvelle production du
Théâtre du Nouveau Monde (TNM) le 14 janvier 2020.
Conçue afin de commémorer le cinquantenaire du décès d’Émile Nelligan (1879-1941), l’œuvre retrace le parcours du célèbre poète de l’adolescence, alors qu’il est interné à l’asile Saint-Benoît-Joseph-Labre à 19 ans, jusqu’à la fin de sa vie, où il séjourne entre les murs de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu. Composé par Andreé Gagnon à partir du livret de Michel Tremblay (1), cet « opéra populaire » a été créé au Grand Théâtre de Québec en novembre 1990 et s’est vu décerner le prix « Spectacle de l’année – populaire» du gala de l’ADISQ la même année. Une captation de cette version originale de Nelligan est accessible sur la Toile ici :
Depuis, Nelligan a été présenté en 2005 par l’Orchestre symphonique de Montréal en version concertante et en 2010 par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, cette fois dans un arrangement d’Anthony Rosankovic pour deux pianos et violoncelle. Cette dernière version a également été programmée pour la deuxième édition du Festival d’opéra de Québec à l’été 2012, et fera escale au TNM à l’hiver 2020.
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André Gagnon, Normand Chouinard, Caroline Bleau et Marc Hervieux
La Presse, 2 avril 2009
Photographie : Robert Mailloux
Le genre de Nelligan semble toutefois difficile à définir, qualifié à la fois d’« opéra romantique », de « drame musical » ou même de « comédie musicale ». Si cette dernière étiquette a été choisie pour la création en 1990, alors que l’œuvre réunissait une distribution issue pour l’essentiel du milieu de la chanson populaire sous la direction du pianiste et compositeur Scott Price, cette tendance semble néanmoins s’effacer. La version symphonique de 2005 marque un changement, car le rôle du jeune Nelligan est attribué à un chanteur lyrique, le baryton Dominique Côté, qui incarnera le poète dans toutes les productions subséquentes. Le virage lyrique de Nelligan s’affirme véritablement en 2010 avec la production de l'Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, qui fait appel à Marc Hervieux pour interpréter Nelligan âgé. Les deux chanteurs semblent être devenus les interprètes attitrés du protagoniste, puisqu’ils se retrouveront à nouveau sur scène pour la production du TNM, qui présente dorénavant l’œuvre comme « opéra populaire ».
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Dominique Côté (Nelligan jeune) et Marc Hervieux
(Nelligan âgé)
Nelligan de Michel Tremblay et
André Gagnon
Festival d’opéra de Québec, 2012
Les critiques parues dans divers médias
démontrent une réception relativement
mitigée de l'oeuvre. Dans un article paru à la suite de
la production de l’Atelier lyrique de l’Opéra de
Montréal en 2010,
Jacques Hétu questionnait le choix
de présenter Nelligan au sein d’une institution
lyrique. Il reprochait à l’œuvre d’être « d’une
monotonie assommante » en plus de faire
un portrait simpliste du poète québécois
par la réduction de sa folie à l’expression de
son génie (2). Cette opinion semble également
avoir été partagée par Richard Boisvert, qui,
dans l’édition du 29 juillet 2012 du quotidien
Le Soleil (3), reprochait à Michel Tremblay d’avoir rédigé un livret au premier degré, qui verse trop
facilement dans l’apitoiement.
TABLEAU DES PRODUCTIONS ET DISTRIBUTIONS DE NELLIGAN
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Ces remarques ne semblent toutefois pas avoir atteint l’auditoire, qui a pour sa part toujours bien accueilli l’œuvre comme en font foi les représentations à guichets fermés du Festival d’opéra de Québec en 2012. Reste à voir quel succès remportera Nelligan dans la mouture de 2020, alors qu’il sera présenté non pas à l’opéra, mais bien au theâtre.
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Isabeau Proulx-Lemire, Dominique Côté, Jean-François Poulin et Marc Hervieux
En répétition au TNM, 2019
Photographe : Olivier Chassé
*****
Deux enregistrements de Nelligan
sont disponibles, le premier
provenant de la création de 1990,
et le second ayant immortalisé
la version de concert présentée
par l’OSM sous la direction de
Jacques Lacombe en 2005. Ce
dernier disque n’est toutefois pas
un enregistrement complet de
l’œuvre, puisque l’OSM a présenté
une version écourtée de 50 minutes à partir d’une orchestration de
Gilles Ouellet.
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Notes
(1) La livret a été publié dans la collection « Théâtre » (no 181) aux Éditions Léméac en 1990.ù
(2) Voir Jacques Hétu, « Nelligan, une comédie-musicale à l’Opéra de Montréal », ResMusica [en ligne https://www.resmusica.
com/2010/03/09/une-comedie-musicale-a-lopera]
(3) Voir Richard Boisvert, « Nelligan : insipide », Le Soleil, 29 juillet 2012 [en ligne : https://www.lesoleil.com/archives/nelligan-insipide-
3fe9df96813ac57e80ecba2c233ee29b]
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Affiche de la production originale Vittorio Fiorucci, 1990
- Production