Critiques

CRITIQUE- Opéra de Montréal et Orchestre métropolitain- Fracassant Fidelio

CRITIQUE- Opéra de Montréal et Orchestre  métropolitain- Fracassant Fidelio

Yannick Nézet-Séguin et Lise Davidsen
Fidelio de Kudwig van Beethoven
Opéra de Montréal- Orchestre métropolitain
Maison symphonique de Montréal
25 octobre 2019
Photographie : François Goupil

Quel plaisir d'assister à cette performance de Fidelio à Montréal, l'unique opéra de Beethoven que nous n'avons pas souvent l'occasion d'entendre sur nos scènes. Présentée en version concert, l’œuvre – souvent jugée peu scénique – trouvait ici un écrin parfait pour profiter à la fois des voix et de l'orchestre, de la musique (surtout) et du théâtre (tout de même).

La distribution vocale était excellente. Dans le rôle de Léonore, la Norvégienne Lise Davidsen a offert une magnifique performance. Alliant puissance et noblesse, la soprano de 32 ans possède une voix impressionnante qui est au service d'une musicalité sensible et intelligente. Envoûtant le public dès ses premières interventions, c'est dans son aria Abscheulicher!, vers la fin du premier acte, qu'elle dévoila triomphalement son talent lyrique. Autre grande qualité, elle se fondait harmonieusement dans les ensembles, dosant adéquatement sa présence dans le discours musical. Si ce Fidelio est un incontournable, c'est en grande partie grâce à son interprétation hors du commun.


L'autre grande performance est celle de Raymond Aceto dans le rôle de Rocco. Possédant une voix de basse agile et colorée, Aceto jouait avec un naturel désarmant et une constance admirable. En Florestan, Michael Schade a lui aussi démontré ses grands talents, notamment par une entrée d'une douloureuse douceur. Soulignons que le duo Schade-Davidsen était très bien assorti, tant par rapport à la puissance équilibrée des voix qu'à la musicalité partagée. Dans la peau du machiavélique Don Pizarro, Luca Pisaroni a aussi fait bonne impression, surtout grâce à sa voix solide et ancrée, malgré une interprétation unidimensionnelle du personnage qui nous laissait un peu sur sa faim.  

Pour les rôles secondaires que sont Jaquino et Marcelline, Jean-Michel Richer et Kimy Mc Laren ont honorablement bien servi la partition. McLaren a d'ailleurs démontré une belle sensibilité dans son aria du premier acte (O wär ich schon mit dir vereint). La trop courte présence d'Alan Held dans le rôle de Don Fernando nous laisse espérer de le retrouver dans un rôle plus consistant. Très bien préparé par Claude Webster, le chœur a fait aussi très bonne figure.  

Yannick Nézet-Séguin a proposé une interprétation vive de l’œuvre, modelant dans le son de l'orchestre des effets dramatiques prenants. Délaissant la vision assez lourde associée traditionnellement à ce monument de l'opéra allemand, sa direction permettait de lever le voile sur le rôle dramatique soutenu que Beethoven a confié à l'orchestre. Perpétuant la tradition (initiée par Gustav Mahler) d'insérer l'ouverture Léonore III avant le final de l'opéra, Nézet-Séguin nous dévoilait par la même occasion les forces vives de l'Orchestre Métropolitain. Le public a chaleureusement applaudi les musiciens et musiciennes de l’orchestre par une ovation énergique et enthousiaste qui était pleinement justifiée. La finale qui suivait était tout bonnement la cerise sur le gâteau : solistes, chœur et orchestre étant tous au diapason d'une musique exaltante et lumineuse, l'une des plus belles pages du compositeur qui y exprimait – un peu comme dans sa Symphonie no 9 – sa foi en une fraternité humaine jubilante et libératrice. 

Coproduit par l'Opéra de Montréal et l'Orchestre Métropolitain, ce concert énergisant est tout bonnement une grande réussite. La formule d'opéra en version concert a ses admirateurs et ses détracteurs, mais lorsqu'elle est si bien préparée, elle permet notamment de présenter un certain répertoire qui ne trouverait pas facilement le chemin du théâtre. Pour les lyricomanes, dans un tel contexte, c'est un précieux cadeau. Espérons que de nouvelles coproductions verront le jour dans l’avenir et que seront proposées d'autres rendez-vous d'aussi grande qualité.

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Fidelio

Opéra en deux actes de Ludwig van Beethoven, livret de Joseph Ferdinand von Sonnleithner d'après Jean-Nicolas Bouilly  
Opéra de Montréal et Orchestre Métropolitain
Maison symphonique de Montréal
25 et 27 octobre 2019  

INT : Lise Davidsen (Leonore), Michael Schade (Florestan), Luca Pisaroni (Pizarro), Raymond Aceto (Rocco), Kimy McLaren (Marcelline), Jean-Michel Richer (Jaquino), Alan Held (Fernando)
ORC : Orchestre Métropolitain
CH : Chœur de l’Opéra de Montréal
DM : Yannick Nézet-Séguin   

Production
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