NABUCCO… UN CHOEUR ET UN ORCHESTRE À LA HAUTEUR DE LA MUSIQUE DE VERDI !
Pour compléter sa saison 2018-2019 qui avait été inaugurée par Werther de Massenet (voir la critique de L’Opéra, n° 18, hiver 2019, p. 30), l’Opéra de Québec proposait aux lyricomanes une nouvelle production de Nabucco, une autre œuvre de Verdi qu’affectionne particulièrement son directeur général et artistique Grégoire Legendre, et qui n’avait pas été présentée dans la capitale nationale depuis 25 ans.
Si les exigences du répertoire verdien – pensons à Aida, par exemple – nécessitent des ressources financières qui sont hors de portée de compagnies lyriques et pourraient – et devraient – freiner les ambitions des maisons aux moyens plus modestes, il n’est pas impossible d’offrir une version crédible d’un opéra du grand compositeur italien en faisant appel à une imagination créatrice. Tel fut le cas pour cette production de l’Opéra de Québec, dont les décors du scénographe Michael Cavanagh, les costumes de Judith Fortin et les éclairages de Serge Gingras ont généralement bien servi la puissante fresque de Verdi. Le recours aux costumes se référant à l’épisode biblique pour certains personnages, le choix de tenues plus contemporaines pour les soldats et l’utilisation de haillons pour le peuple hébreu sont difficiles à concilier avec la trame narrative de l’œuvre ; la tentative d’adaptation et de modernisation de l’intrigue n’est dès lors pas totalement réussie.
La direction d’acteurs réalisée par le metteur en scène Michael Cavanagh laissait souvent perplexe et n’exploitait guère la complexité des relations entre les personnages du drame verdien, notamment celle entre les sœurs Fenena et Abigaille avec Ismaele. Les mouvements de foule, artificiellement agités ou dépourvus de sens, dérangeaient et créaient d’inutiles distractions pour l’auditoire.
Quant à la distribution, le baryton James Westman a bien incarné le roi de Babylone, sa prestation vocale devenait toujours plus convaincante à mesure qu’avançait l’intrigue. On ne peut en dire autant pour la basse Giovanni Battista Parodi et pour la soprano Michele Capalbo, qui peinaient à projeter correctement et à faire entendre les voix de Zaccaria et Abigaille dans l’amphithéâtre lyrique qu’est la salle Louis-Fréchette. La composante québécoise de la distribution s’est nettement mieux tirée d’affaire, la mezzo-soprano Geneviève Lévesque et le ténor Steeve Michaud ayant fait honneur à la partition de Verdi dans leurs rôles respectifs de Fenena et Ismaele. La prestation la plus digne de mention s’est avérée celle de la basse Alain Coulombe, dont la musicalité seyait bien au rôle du grand Prêtre de Belos. Les deux jeunes artistes auxquels les rôles d’Abdallo et Anna ont été confiés, le ténor Jonathan Gagné et la soprano Jessica Latouche, ont fort bien tiré leur épingle du jeu et mériteraient dorénavant de se faire offrir des rôles d’importance sur nos scènes lyriques.
Comme à l’habitude, le chœur de l’Opéra de Québec s’est distingué par sa cohésion et son unité, particulièrement dans le célébrissime « Va pensiero », qu’il a livré avec une conviction hors du commun. Sous la direction de Giuseppe Grazioli, l’Orchestre symphonique de Québec s’est acquitté de façon impeccable de sa responsabilité de donner à la musique de Verdi son éclat et sa grandeur.
Le musicologue Bertrand Guay, dont la note de programme sur Nabucco était fort instructive, à laquelle s’ajoutait un autre texte historique permettant d’apprécier le très grand cru que fut l’année 1859 pour l’opéra à Québec, mérite tout aussi une mention honorable… et permet d’anticiper le plaisir de lire ses futurs écrits sur les deux œuvres qui seront à l’affiche la prochaine saison, La Traviata de Verdi et La Chauve-Souris de Johann Strauss II.
Nabucco de Verdi
Opéra de Giuseppe Verdi en quatre actes sur un livret de Temistocle Solera
- Production
- Opéra de Québec
- Représentation
- Salle Louis-Fréchette - Grand Théâtre de Québec , 18 mai 2019
- Direction musicale
- Giuseppe Grazioli
- Interprète(s)
- James Westman (Nabucco), Steeve Michaud (Ismaele), Giovanni Battista Parodi (Zaccaria), Michele Capalbo (Abigaille), Geneviève Lévesque (Fenena), Alain Coulombe (Prêtre de Belos), Jonathan Gagné (Abdallo) et Jessica Latouche (Anna), Orchestre symphonique de Québec, Choeur de l’Opéra de Québec
- Livret
- Témistocle Solera
- Mise en scène
- Michael Cavanagh