Critiques

QUAND L’OPÉRETTE EST FAITE AVEC CHOEUR…

QUAND L’OPÉRETTE EST FAITE AVEC CHOEUR…

(Photo : Asitha Tennekoon (Vincent) dans Le Chanteur de Mexico de Lopez, Opéra Bouffe du Québec, 2018. Crédit : Bonnallie-Brodeur)

L’opérette à grand spectacle connaît son apogée en France après la Deuxième Guerre mondiale. Caractérisé par des costumes et décors spectaculaires, ce genre se voit souvent reprocher un matériau musical un peu mince. C’est le cas avec Le Chanteur de Mexico, un des seuls titres de cette époque encore représenté. Il doit sa survie en grande partie à la verve mélodique inépuisable de Francis Lopez, qui aligne les chansons accrocheuses : « Rossignol de mes amours », « Quand on est deux amis », « Ça m’fait quéqu’chose »… et sur tout le fameux « Mexico », que les spectateurs et spectatrices ne peuvent s’empêcher de fredonner, certains cherchant même à atteindre la note aiguë tenue !

L’Opéra Bouffe du Québec offre une version très réussie de cette œuvre (surtout si l’on compare avec la vision peu séduisante, présentée au Châtelet à Paris en 2007, qu’on peut voir sur YouTube). Tout concourt au succès de l’entreprise : la mise en scène imaginative d’Isabeau Proulx-Lemire dose intelligemment l’ironie et la sincérité, les chorégraphies judicieuses de Monik Vincent conviennent aux moyens de la troupe, et la distribution brille d’interprètes de très bon calibre.

Parmi ceux-ci, on retient d’abord le ténor torontois d’origine sri-lankaise Asitha Tennekoon, qui possède la voix claironnante que réclame le rôle. Il rappelle le créateur de l’œuvre, Luis Mariano, non seulement par ses aigus faciles, mais aussi par son jeu un peu gauche, qui finit par être touchant. On admire sans réserve la Cri-Cri de Klara Martel-Laroche, qui sait jouer aussi bien que chanter cette héroïne énergique et décidée, à la fois drôle et touchante. De son côté, Philippe Gobeille semble né pour jouer les comiques d’opérette : il interprète avec son timing impeccable un Bilou naïf et rusé.

Mais la véritable vedette du spectacle, c’est le chœur. Son énergie et sa bonne humeur sont absolument irrésistibles et contagieuses. C’est un vrai plaisir de les voir passer d’un costume à l’autre, tour à tour basque, mexicain et même aztèque. S’agissant de lieux tellement éloignés de la réalité qu’ils en deviennent imaginaires, peut -on vraiment parler d’appropriation culturelle ? En tout cas, on ne voyait pas de manifestants à l’entrée de la Maison des Arts, seulement des marques de satisfaction à la fin de la représentation !

Le Chanteur de Mexico

Opérette de Francis Lopez en deux actes sur un livret de Félix Gandéra et Raymond Vincy, et des paroles de Raymond Vincy et Henri Wernert.

Production
Opéra bouffe du Québec
Représentation
Maison des arts de Laval , 16 novembre 2018
Direction musicale
Simon Fournier
Interprète(s)
Asitha Tennekoon (Vincent), Klara Martel-Laroche (Cricri), Philippe Gobeille (Bilou), Marie-Pierre de Brienne (Eva et Tornada), Richard Lalancette (Cartoni) et Manuel Blais (Zapata)
Mise en scène
Isabeau Proulx-Lemire
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