Critiques

CRITIQUE- Opéra McGill- Die Zauberflöte : une démarche créative, dynamique et audacieuse

CRITIQUE- Opéra McGill- Die Zauberflöte : une démarche créative, dynamique et audacieuse

Sarah Dufresne (La Reine de la nuit)
Die Zauberflöte de Wolfgang Amadeus Mozart
Opéra McGill, 2019

Dans la volonté assumée d'épargner ses étudiants des décès opératiques routiniers pour 2018-2019, Opéra McGill a présenté Die Zauberflöte, opéra de Mozart créé à Vienne en septembre 1791 et qui, paradoxalement, scellera la mort du compositeur deux mois plus tard.  

De prime abord, on apprécie le choix de Patrick Hansen, Jessica Derventzis et Stephen Hargreaves, de sortir des sentiers battus pour présenter une production à la fois décalée, humoristique et audacieuse, des ingrédients qu'il est bon de cultiver pendant l'apprentissage du métier. Ainsi, le Monument-National était plongé dans un univers à mi-chemin entre le steampunk et La Reine des neiges, mariage non seulement heureux mais particulièrement judicieux dans sa mise en place assez épurée, laissant dialoguer théâtre et vidéoprojection de manière bien dosée. Vocalement, les chanteurs ont osé prendre de nombreuses libertés en ornementant les airs, un exercice qui va de soi et dont la pratique devrait se généraliser dans les productions étudiantes. Mozart ne se plaignait-il pas lui-même de l'incapacité des chanteurs de son époque à orner les phrases musicales ?

Les costumes de Ginette Grenier sont très réussis, alliant les tons de brun, or et blanc aux décors de Vincent Lefèvre, attirail technologique aux allures de science-fiction inspirée des révolutions industrielles.  

Marcel d'Entremont a brillé en Tamino grâce à une voix maîtrisée et nuancée, une prononciation impeccable et des airs bien sentis. Son jeu scénique aurait pu être plus mobile pour gagner en efficacité. Vanessa Croome a révélé de belles couleurs vocales dans ses airs, son timbre aérien et délicat collait au personnage de princesse en proie à l'inquiétude. Il a cependant semblé que son attention était souvent tournée vers ses airs et interventions, au détriment du jeu.  

Sarah Dufresne, en Reine de la nuit aux allures de Sorcière blanche de Narnia, a relevé le défi d'incarner la majesté de son personnage. Elle a beaucoup joué avec les couleurs vocales dans les aigus, montrant l'étendue des pouvoirs de la reine et nous serons curieux de l'entendre à nouveau dans quelques temps, une fois maîtrisées les exigences techniques du rôle. Nathaniel Stern a été un Papageno très convaincant, avec une voix puissante et très communicative et un allemand excellent. Il a su allier un jeu très efficace et dynamique à une présence vocale rigoureuse et chamarrée.  

Enfin, le trio des génies, Mary Jane Egan, Jessica Burnside et Maddie Studt, a été tout simplement sublime. L'équilibre des timbres et des voix, des inflexions et des respirations, des gestes, était un délice pour les yeux et les oreilles. La voix grave étant souvent placée un peu en avant des deux autres, le rendu révélait toute la richesse de l'écriture de Mozart. L'orchestre symphonique de McGill est passé à travers l'œuvre en soutenant les airs et récitatifs et en apportant un relief intéressant à la musique, même si chanteurs et orchestre se cherchaient souvent.  

Cette production d'Opéra McGill a permis de constater la démarche créative, dynamique et audacieuse mise en place par l'équipe de Patrick Hansen. Grâce à des choix éclairés et un grain de folie, ces productions permettent aux étudiant d'évoluer avec une conscience aiguë et une compréhension profonde de leur art, qui va bien au-delà des œuvres elles-mêmes. Les mises en scène sont ancrées dans des préoccupations actuelles de première importance, qui poussent les étudiants à réfléchir sur des questions citoyennes, ce qui est d'autant plus important qu'il est facile de lâcher prise avec la réalité pendant ces années d'une formation exigeante. On apprécie toujours autant l'excellence et l'intelligence de la démarche mise en œuvre par Opéra McGill, et on souhaite que cela continue longtemps encore.

Die Zauberflöte, opéra en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret d'Emanuel Schikaneder
Production : Opéra McGill
Salle Ludger-Duvernay du Monument-National, 1er février 2019

INT : Marcel d'Entremont (ténor), Nathaniel Stern (baryton), Sarah Dufresne (soprano colorature), Vanessa Croome (soprano)
MES : Jessica Derventzis, Patrick Hansen
ORC : Orchestre symphonique de McGill
DM : Patrick Hansen

Production
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