BRANLE-BAS CHEZ LES NONNES
(Photo: Benoît Godard (Abbé Bridaine) et Étienne Cousineau (Simone) dans Les Mousquetaires au couvent de Varney, Productions Belle Lurette, 2018)
Fils d’un ancien chef d’orchestre des Bouffes-Parisiens, Louis Varney (1844-1908) composa une quarantaine d’opérettes, dont la postérité n’a guère retenu que Les Mousquetaires au couvent, créé en mars 1880. Poursuivant sur la voie anticléricale que La Fille du tambour-major d’Offenbach avait ouverte trois mois auparavant, l’œuvre brocarde l’Église de façon plutôt vigoureuse, avec un abbé bon vivant, mais surtout avec deux ursulines parfaitement grotesques. Celles-ci ne soupçonnent pas un seul instant que les deux moines introduits dans leur couvent sont en fait deux mousquetaires venus enlever une de leurs protégées.
Comme toujours dans ses mises en scène, Étienne Cousineau confère rythme et bouffonnerie à l’œuvre grâce à une gestuelle dont lui seul a le secret. Il sait merveilleusement faire bouger son chœur, comme à la fin du premier acte, où les gens de Vouvray passent en un instant de la plus folle bacchanale à une prière qu’ils récitent face contre terre ; pour répondre à la psalmodie des deux faux religieux, ils relèvent par moments la tête en un effet extrêmement cocasse. Et que dire des écolières qui se déchaînent lorsque Narcisse, complètement ivre, se lance dans un sermon sur l’amour... Si la représentation laisse une impression jubilatoire, il faut néanmoins regretter l’abus de certains procédés. Ainsi, l’ajout de répliques en langage populaire québécois est bien sûr hilarant, mais encore faut-il savoir trouver la dose exacte.
Étoile de la production, Étienne Cousineau est une Simone truculente au chant soigné et qui captive le spectateur par son sens inné de la comédie. Passé maître dans l’art du travesti, il est également un meneur de troupe exceptionnel. L’autre artiste le plus intéressant est Jonathan D’Amour, Narcisse qui conjugue d’évidentes qualités vocales à une grande aisance scénique. Émilie Roy et Simon-Charles Tremblay-Béchard, les deux amoureux de la pièce, ont des voix au volume limité mais qui se marient très bien. Au piano, Pierre McLean est un accompagnateur d’une solidité et d’une musicalité à toute épreuve.
Les Mousquetaires au couvent
Opéra-comique de Louis Varney en trois actes sur un livret de Jules Prével et Paul Ferrier
- Production
- Productions Belle Lurette
- Représentation
- Maison des arts de Laval , 2 novembre 2018
- Interprète(s)
- Simon-Charles Tremblay-Béchard (Gontran), Jonathan D’Amour (Narcisse), Émilie Roy (Marie), Marie-Michèle Rivest (Louise), Étienne Cousineau (Simone), Benoît Godard (Abbé Bridaine), Nadine Arnaud-Drouelle (Soeur Opportune) et Jocelyne Cousineau (Soeur Supérieure)
- Mise en scène
- Étienne Cousineau
- Pianiste
- Pierre McLean