JULIE BOULIANNE ÉTEND SES AILES AVEC BACH
(@Annette B. Woloshen)
C’est deux siècles après sa composition que la cantate « Mein Herze schwimmt im Blut », BWV 199 a été redécouverte, en 1911 : c’était donc peu cher payé que d’attendre un siècle de plus pour pouvoir entendre Julie Boulianne élever l’oeuvre dans tout le volume de l’immense nef de l’église Saint-Jean-Baptiste. La mezzo-soprano a une fois de plus confirmé sa maîtrise sublime du répertoire de Bach avec toute la grâce et la puissance qu’on lui connaît. Une part de ce succès revient certainement au chef Boris Brott, qui a pris l’heureux pari d’un tempo un peu plus rapide que celui auquel la majorité des enregistrements classiques nous ont habitué.
C’est avec la même générosité lyrique que Julie Boulianne a rendu l’« Alma oppressa » tiré de La Fida ninfa de Vivaldi. On la sentait plus dégagée que sur son enregistrement de 2017, et son vibrato ample et décomplexé dans les basses exprimait de manière poignante toute l’oppression de la jeune Licoris, éloignée de son fiancé Osmino. Dommage, toutefois, que la chanteuse soit restée accrochée à sa partition de la première à la dernière note, alors même qu’elle a enregistré cette oeuvre il y a un an à peine.
L’Orchestre de chambre McGill présentait la première mondiale de Zasakwaa, une oeuvre lyrique composée et écrite par la Nishnaabe Barbara Croall, présente pour l’occasion. Les dissonances et les rythmes saccadés rendaient bien la froideur hivernale évoquée par l’oeuvre, où ne perçait que le vent chaud des duos de flûte et voix. On est heureusement surpris par la sonorité mystique du dialecte outaouais dans lequel le livret est écrit ; quoiqu’on se désole de devoir se rabattre sur sa traduction anglaise, la version française du livret – tout comme celle de l’ensemble du programme – souffrait d’une langue trop souvent approximative. Bien qu’on doive reconnaître la difficulté d’interpréter une oeuvre composée dans une langue aussi peu usuelle que l’outaouais, on aurait volontiers pris une Julie Boulianne plus assumée et puissante, car sa voix se tapissait trop souvent sous le couvert de l’orchestre.
On notera finalement au passage la prestation remarquable de Timothy Hutchins dans le Concerto pour flûte en sol majeur de Telemann, interprété avec une maîtrise absolue et un phrasé magnifique. Une soirée sans faute pour l’Orchestre de chambre McGill, dont on ne peut manquer l’assurance et la vibrante jovialité de la violoncelliste Chloé Dominguez dans ses nombreux solos.
Vivaldi, Bach & Julie Boulianne
Oeuvres de Haendel, Vivaldi, Telemann, Croall et Bach
Production: Festival Bach de Montréal
- Production
- Orchestre de chambre McGill
- Représentation
- Église Saint-Jean-Baptiste de Montréal , 27 novembre 2018
- Direction musicale
- Boris Brott
- Interprète(s)
- Julie Boulianne (mezzo-soprano), Theodore Baskin (hautbois) et Timothy Hutchins (flûte)