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CRITIQUE- Metropolitan Opera de New York- La Traviata- Les nuances et couleurs de Yannick Nézet-Séguin

CRITIQUE- Metropolitan Opera de New York- La Traviata- Les nuances et couleurs de Yannick Nézet-Séguin

Juan Diego Flores (Alfredo Germont) et Diana Damrau (Violetta Valéry)
La Traviata,
Metropolitan de New York, 2018
Photographie : Marty Sohl

Je suis tombé dans La Traviata quand j’étais petit. Tellement petit que je n’avais pas encore pris mon premier souffle que je réagissais au drame de Verdi in utero, au grand soulagement de ma mère qui s’assurait ainsi de ma vitalité, chaque soir pendant trois mois. Il va sans dire que je suis  depuis lors positivement transporté à l’écoute de ce chef d’oeuvre romantique… et que je l’ai été à nouveau en assistant à la nouvelle production du mythique Metropolitan Opera de New York.  

Dès mon entrée dans ce vaste amphithéâtre lyrique qu’est le Met, mon coeur commence à battre au rythme des scènes frivoles du premier acte. Yannick Nezet-Séguin, le nouveau Maestro du Met, est ovationné dès son arrivée sur le podium. Il semble que nous sommes de nombreux Québécois à assister à la dernière représentation de cette nouvelle production de La Traviata dirigé par « notre » Yannick. Dès les premières notes douces et déchirantes de l’orchestre, le rideau se lève afin de nous révéler la fin de l’opéra : Violetta est morte, en hiver, entourée des personnages clefs, soit Afredo, le père Germont, et Annina.  

Quelle belle mise en scène! L’opéra se révèle être un « flashback » à travers les saisons menant au triste dénouement. Celles-ci sont toutes en couleur; non seulement les costumes sont superbes, mais l’éclairage est en lien direct avec les émotions des musiciens. De plus, le Met réduit un peu la taille du cadre de la scène pour ramener le tout à une échelle plus humaine. La mise en scène fraiche et esthétique de ce grand classique par Michael Mayer et son équipe ne mérite que des éloges. C’est à ce dernier que le Met avait aussi confié cette saison une mise en scène du nouvel opéra Marnie toute aussi réussie.  

Les montagnes russes émotionnelles des deux premiers actes sont porteuses d’une nouvelle évidence : le Met entre dans une nouvelle ère sous la baguette de Nezet-Séguin; celui-ci danse sur le podium et établit un contact étroit avec les musiciens de la fosse et les chanteurs sur scène. Le nouveau directeur musical tente d’apposer sa signature sur cette oeuvre si populaire au Met; il vient mettre l’appui sur certains accents et articulations, il explore un grand spectre de nuances et de couleurs et, surtout, il prend bien son temps dans les pauses de fin de phrase ou même entre les grands airs. Le tempo lent pour le choeur vers la fin du premier acte « Si rides ta in ciel…» est déstabilisant, mais l’orchestre du Met sait suivre le Maestro à la lettre. L’orchestre fait aussi preuve de retenue dans les nuances fortissimo que commandent les grands gestes du chef afin de ne pas couvrir les chanteurs.  

La complicité entre le maestro et Diana Damrau (Violetta) est palpable. Il y a un réel plaisir et partage entre ces deux grands musiciens. La Violetta de Damrau est sublime. La prouesse vocale est indéniable, mais c’est son jeu et son interprétation qui la distinguent. En effet, les vocalises ne sont plus des démonstrations d’habiletés vocales, mais plutôt des vecteurs d’émotions. À l’opposé, nous avons un Alfredo qui a pris tout un acte pour se réchauffer et qui reste dans l’ombre de la prima donna jusqu’au drame final. Dans toute cette expérience extraordinaire, il y a une chose qui me semble moins acceptable : lors de la réunion des amoureux du troisième acte, Juan Diego Flores (Alfredo) arriva en retard. Moi qui sentais l’anticipation et les larmes monter à mes yeux, j’ai eu du mal à apprécier l’émotion du magnifique duo qui s’en suit.            

Ma grande découverte fut le baryton hawaïen Quinn Kelsey dans le rôle de Giorgio Germont. En plus d’être un père convaincant (Quinn Kelsey n’a pas d’enfants), son instrument est contrôlé et nuancé par les émotions. À la fin de son air pour son fils du deuxième acte, il sait tenir sa note finale piano pour ensuite nous faire un court crescendo en toute fin pour relâcher la note telle une voix brisée par les sanglots. Quinn, tu m’as également fait pleurer.

Je n’étais pas seul à pleurer dans la rangée M du parterre du Met; comme il y a 28 ans ma mère Isabelle versait, elle aussi, de chaudes larmes…

David Peretz-Larochelle et Isabelle Peretz
New York, 29 décembre 2018

La Traviata, opéra en trois actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Francesco Maria Piave d’après le roman et drame d’Alexandre Dumas fils, La Dame aux Camélias

Production : Metropolitan Opera de New York  

INT : Diana Damrau (Violetta Valéry), Juan Diego Flores (Alfredo Germont), Quinn Kelsey (Giorgio Germont)
DM : Yannick Nézet-Séguin ORC/CH : Metropolitan Opera Orchestra and Chorus MS : Michel Mayer

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