CRITIQUE... brève : Bayerische Staatsoper- L'héros effacé du deuxième Otello de Jonas Kaufmann
Otello de Giuseppe Verdi
Bayerische Staatsoper, 2018
Photographie : © Wilfried Hösl
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Jonas Kaufmann, Anja Harteros et Gerald Finley nous ont médusés à Munich avec leur Otello retransmis en direct par la Staatsoper TV le 2 décembre 2018.
Pour raconter, la misère humaine, l’œuvre glisse au-delà du temps chronologique et kaïrologique, et la temporalité s’élargit. On est dans l’Αἰών, le temps indéfini de l’événement, bien au-delà, donc, du Maure de Venise de Shakespeare (1604), bien au-delà de l’opéra lyrique de Boito et Giuseppe Verdi (1887).
Otello n’a plus rien d’un héros, c’est la victime de toutes les guerres gagnées et perdues ; la rhétorique du vainqueur aux passions « nobles », quand bien même prisonnier de forces homicides et suicidaires, disparaît pour laisser place à une réaction aiguë au stress (stress disorder) post-traumatique, à la psychose qui submerge soldats et civils, au désir pervers comme pulsion destructrice, à la position fœtale d’Otello, dans la multiplication des lits semblables à des lits de camp militaires, qui raconte la peur de vivre, l’explosion de la pulsion de mort, gagnante bien au-delà de la rhétorique de l’héroïsme. On a là une lecture du féminicide potentiel qui sommeille dans les replis de toutes les fragilités viriles… Les rapports entre Desdémone, Othello, Cassio, Iago, sont arrachés à l’historicité.
Dommage que Αἰών soit parfois étouffé par un excès de détails inutiles au moyen desquels la metteure en scène Amélie Niermeyer impose sa lecture.
D’excellents acteurs, nos trois artistes, de chanteurs inoubliables. Et cet Othello, le deuxi;me de Kaufmann après celui de Londres, nous a littéralement coupé le souffle. Une nouvelle interprétation géniale ou la perte d’horizon habite la dimension humaine contemporaine. Le repli psychotique traverse et efface le héros …« Othello fu »...
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