DES MOMENTS MAGIQUES AVEC TROIS ARTISTES DE LA RELÈVE
Dans le cadre du concert Place à la relève ! présenté en collaboration avec la MRC de l’Île d’Orléans et en partenariat avec l’organisme lyrique Tempêtes et passions, Musique de chambre à Sainte-Pétronille accueillait pour son 35e anniversaire trois jeunes artistes dans un programme réunissant des lieder de la période du romantisme allemand et scandinave, ainsi que des œuvres de virtuosité pour violon de Jean-Sébastien Bach, Chausson et Paganini.
Accueillie par un public mélomane et chaleureux, la soprano Évelyne Larochelle est rayonnante. Avec son timbre velouté et généreux, elle traduit dans un dosage vocal réussi toute l’intimité, la fougue, l’exaltation et la profondeur que requiert l’interprétation du cycle Frauenliebe und leben de Schumann.
Imprégnée des poèmes d’Adelbert von Chamisso, pourtant critiqué, même à son époque, pour sa poésie jugée mièvre, empreinte d’affectation et dépeignant la femme au service de l’homme, Évelyne Larochelle, touchée par la naïveté et la vérité des sentiments exprimés dans les huit mélodies du cycle, nous captive dès les premières notes. Avec sensibilité, clarté dans le regard, justesse d’expression, fluidité dans les transitions et ayant bien saisi l’essence des états d’âme de la protagoniste, elle permet au spectateur de lire et ressentir le parcours émotif dense de cette femme traversant des moments cruciaux de sa vie, ainsi que son amour, envahie de sentiments nouveaux, obnubilée par l’être aimé, admirative, amoureuse, qui tour à tour se fiance, est épouse, devient mère et veuve résignée.
La soprano et son excellent pianiste Samuel Blanchette-Gagnon font preuve de cette complicité si nécessaire dans le lied chez Schumann. Celui-ci exige une réelle fusion entre la voix et le piano, le pianiste devant assumer en outre un véritable rôle de chambriste. Portant plus attention au sens du mot qu’à son expression poétique, Schumann exige une vision et un traitement du texte dans son ensemble, ce que le duo réussit particulièrement dans les nos 1 et 8, la rencontre et la mort. Si l’exécution est admirable, il reste sans doute à peaufiner quelques voyelles allemandes qui ont une sonorité française et accroître la présence de certaines consonnes. Les deux artistes se distinguent par un haut niveau d’aisance et d’interprétation, et leur travail avec le baryton Olaf Bär et la pianiste Ulricke Fiedel, deux spécialistes de Schumann, n’y est certes pas étranger.
Bien à l’aise et d’une voix enveloppante dans le registre plutôt médium du cycle de Schumann, Évelyne Larochelle dévoile dans les Six Lieder op. 48 de Grieg, plus exigeants vocalement, une tessiture dans les aigus qui se cherche quelque peu. Elle y offre avec son pianiste-collaborateur une palette variée de couleurs et d’ambiances. Sa voix est lumineuse et le jeu pianistique de son confrère s’y fond comme du beurre dans la poêle.
En seconde partie, la performance de la jeune violoniste virtuose, Émilie Auclair, est hypnotisante et spectaculaire. Elle livre tour à tour les incroyables chefs-d’oeuvre et pièces de bravoure de son programme avec une grande maturité, clarté, passion et profondeur. Doubles harmoniques hyper précises, jeux d’archet impeccable, la technique n’est pas un problème pour cette magicienne du violon. Son allié, Samuel Blanchette-Gagnon se transforme en homme-orchestre dans le Chausson et accomplit parfaitement son rôle dans la mise en valeur des prouesses violonistiques dans le Paganini.
Avec ce concert, la direction générale et artistique de Musique de chambre à Sainte-Pétronille poursuit sa tradition de destination musicale de qualité et d’incontournable de l’été à l’Île d’Orléans.
Place à la relève!
Oeuvres de Schumann, Grieg, Bach, Chausson et Paganini
- Production
- Musique de chambre à Sainte-Pétronille
- Représentation
- Église Sainte-Pétronille , 12 juillet 2018
- Interprète(s)
- Évelyne Larochelle (soprano) et Émilie Auclair (violon)
- Pianiste
- Samuel Blanchette-Gagnon