Critiques

HOCKEY NOIR, L’OPÉRA PAR ECM+ : UN JUBILANT MÉLANGE DES GENRES

HOCKEY NOIR, L’OPÉRA PAR ECM+ : UN JUBILANT MÉLANGE DES GENRES

(Photo: Pascale Beaudin (soprano) et Marie-Annick Béliveau (mezzo-soprano), @Maxime Boisvert)

Après un premier essai lyrique couplé à la projection (Les Aventures de Madame Merveille, 2010), André Ristic et Cecil Castellucci font de nouveau équipe avec l’ECM + et Véronique Lacroix pour nous offrir cette fois une œuvre plus achevée et extrêmement divertissante : Hockey noir. Grande innovation, l’opéra a ici une trame narrative (on se souviendra que Madame Merveille tenait plus de l’enfilade de sketchs que d’une histoire pleinement développée) et sa réalisation est des plus efficaces. D’ailleurs, le choix d’un scénario flirtant avec le genre des films policiers des années 50, couplé à une esthétique graphique adéquate – aussi imaginative que réaliste – s’allient à merveille dans la réalisation et l’unité du spectacle.

Du compositeur, nous étions habitués à une écriture foisonnante et excessive. Pour Hockey noir, il semble avoir adopté une certaine retenue, une texture plus claire, certainement dans le but de mettre à l’avant-plan l’écriture vocale. Néanmoins, l’imaginaire « cartoonesque » est au rendez-vous, notamment grâce à un synthétiseur exploitant toutes sortes de sonorités, des plus réalistes aux plus farfelues. Si l’inspiration formelle plonge dans le répertoire mozartien (avec un « air du catalogue » et un quatuor final rappelant l’épilogue de Don Giovanni), l’œuvre demeure très contemporaine dans sa façon d’incarner musicalement les personnages, de créer des ambiances et de moduler l’action.

Le livret jongle habilement avec divers niveaux de langue (tant en français qu’en anglais) et fait revivre toute la saveur du parler montréalais du milieu du siècle, dans une écriture rappelant parfois le théâtre de Michel Tremblay. Qui aurait dit que le joual, tout comme le français « bien perlé », pouvait trouver une réalisation efficace à l’opéra ! Ces niveaux de langage ajoutaient au comique d’un livret déjà riche en quiproquos (incluant personnages travestis et manigances mafieuses) et habilement construit.

Une distribution solide donnait vie à cet opéra des plus réussis. Seule Marie-Annick Béliveau pourrait se vanter de voler quelque peu la vedette dans une incarnation jouissive de Madame Lasalle, personnage tragi-comique complexe, à la fois oiseau blessé et dangereux rapace. La mise en scène, en constant dialogue avec les projections, ajoutait ici et là le brin d’humour qui faisait de cette création non pas seulement un succès d’estime, mais bel et bien une réussite qui a le pouvoir de rallier les spectateurs les plus divers.

Hockey noir

Opéra graphique d’André Ristic sur un livret de Cecil Castellucci, illustré par Kimberlyn Porter

Production
Ensemble contemporain de Montréal
Représentation
Monument-National , 3 mai 2018
Direction musicale
Véronique Lacroix
Instrumentiste(s)
Ensemble Contemporain de Montréal +
Interprète(s)
Pascale Beaudin (soprano), Marie-Annick Béliveau (mezzo-soprano), Michiel Schrey (ténor) et PierreÉtienne Bergeron (baryton)
Livret
Cecil Castellucci
Mise en scène
Marie-Josée Chartier
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