REQUIEM, VIVRE AVEC LA MORT
Photo: Lyubov Andreyeva
(@ Souheil Michael Khoury)
De passage à Montréal, le Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg, qui avait été remarqué en 2015 avec Anna Karenina, présentait un double requiem puisant dans la littérature et la musique classique pour développer une trame narrative d’une grande profondeur.
Le premier volet de ce diptyque était dédié à la poétesse russe Anna Akhmatova dont le Requiem écrit entre 1935 et 1940 dépeint la souffrance de cette femme qui a vu son fils emprisonné et son mari enlevé puis assassiné par les purges staliniennes. La musique, un montage constitué principalement d’extraits du Quatuor à cordes no 8 de Chostakovitch, était parfois redondante, mais soutenait le récit en lui alliant l’œuvre d’un compositeur également victime de la répression du régime soviétique.
Le ballet théâtral de Boris Eifman rendait un poignant hommage à cette œuvre littéraire qu’il a transposé de manière foudroyante sur la scène. En projetant les duos de la mère (Maria Abashova), du fils (Dmitry Fischer), de la femme (Lyubov Andreyeva) et du mari (Oleg Gabyshev) sur le corps de ballet, la chorégraphie soulignait combien la situation d’Akhmatova était malheureusement celle d’une majorité.
En deuxième partie, Eifman revisitait le Requiem de Mozart, un ballet qu’il avait présenté en 1991. L’Orchestre des Grands Ballets, sous la direction de Valery Platonov avec les solistes Andréanne Brisson Paquin (soprano), Josée Lalonde (alto), Nils Brown (ténor) et Normand Richard (basse), a livré une excellente performance du chef-d’œuvre inachevé de Mozart.
Inspiré d’abord par la musique de Mozart, Eifman exploitait dans le ballet l’opposition entre solistes et chœur de la partition, reprenant la dynamique qu’il avait développé en première partie alors que les actions des danseurs solistes étaient reprises en écho par le corps du ballet. Le fils (Daniel Rubin), confronté au décès de sa mère (Maria Abashova), semblait d’abord exprimer sa colère face à la perte d’un être cher dans le « Confutatis ». Le « Lacrimosa », en berçant le fils, soulignait sa résignation et accompagnait un ultime adieu alors que la mère s’éloignait avant d’être accueillie par l’un des danseurs, recouvert d’un drap blanc lui donnant un aspect fantomatique et sculptural.
Si le deuil était présenté en première partie comme une conséquence douloureuse de la « Terreur rouge », la seconde partie le dépeignait plutôt comme une étape naturelle de la vie humaine et en donnait une vision moins sombre, empreinte de mysticisme.
Requiem
Ballet de Boris Eifman sur la musique de Dmitri Chostakovitch, Serguei Rachmaninov et Wolfgang Amadeus Mozart
- Production
- Représentation
- Salle Wilfrid-Pelletier , 21 février 2018
- Chef de chœur
- Jean-Sébastien Allaire
- Direction musicale
- Valery Platonovn / Orchestre des Grands Ballets canadiens de Montréal
- Interprète(s)
- Andréanne Brisson Paquin (soprano), Josée Lalonde (alto), Nils Brown (ténor) et Normand Richard (basse)