Critiques

Étienne Cousineau (Mitidika)
@ Martin Alarie

Délaissant momentanément le répertoire offenbachien, Étienne Cousineau et la compagnie Belle Lurette soumettent l’opérette Chanson gitane de Maurice Yvain (1891-1965) à une radicale cure de jeunesse. Créée à la Gaîté-Lyrique en 1946, l’œuvre, dont l’intrigue se déroule en pleine Restauration, se voit ici dépouillée de son caractère suranné grâce à une transposition hilarante dans les années 1980, s’inspirant des soap operas américains comme Dynasty ou Santa Barbara. Précédé d’une brève présentation des lieux et des principaux personnages – aristocrates d’un ridicule consommé, couverts de clinquant, ou fiers bohémiens vêtus de cuir à l’allure de motards peu rassurants –, chaque tableau s’apparente ainsi à l’épisode d’un feuilleton aux multiples rebondissements invraisemblables qui gravitent invariablement autour de questions d’ordre sentimental et pécuniaire.

Metteur en scène aux idées foisonnantes, Étienne Cousineau souligne les ressorts dramatiques les plus éculés pour nous en faire rire et invente une gestuelle désopilante qui témoigne d’un sens du rythme exceptionnel, comme dans l’air d’Hubert « Tant que le printemps », ou l’irrésistible trio « Au pas du petit poney ». En plus d’assurer la direction artistique du spectacle, il prête sa puissante voix de sopraniste à une Mitidika volontaire qui brûle les planches.

Face à un interprète de cette trempe, le ténor Simon-Charles Béchard-Tremblay ne fait pas tout à fait le poids en Hubert, mais parvient à bien exprimer les affres de sa passion pour la belle gitane. Parmi les autres membres de la distribution, on note Jessica Lessard en pétulante duchesse de Berry, Tommy Chouinard en Jasmin bon enfant, Marie-Michèle Rivest en Zita dynamique, Benoît Godard en Zarifi jaloux à souhait et Jonathan D’Amour en un Nicolas à la voix bien timbrée.

À défaut d’être parfaitement homogène, le chœur prend un plaisir manifeste à s’intégrer aux diverses chorégraphies. Au piano, Pierre McLean accompagne toute cette joyeuse bande avec sa solidité habituelle et contribue au succès d’une représentation des plus réjouissantes.