LA CENERENTOLA DE GIOACCHINO ROSSINI À L'OPÉRA DE MONTRÉAL - UNE APPROCHE PSYCHANALITIQUE DU METTEUR EN SCÈNE JOAN FONT
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@Yves Renaud
Pour sa deuxième production de la saison 2017-2018, l’Opéra de Montréal a choisi de présenter La Cenerentola de Gioachino Rossini dans une mise en scène de Joan Font et avec, pour son retour à Montréal et dans rôle-titre, notre mezzo-soprano Julie Boulianne.
Intitulé littéralement La Cenerentola, ossia La bontà in trionfo (Cendrillon ou la Bonté triomphante), ce petit bijou pour les yeux et les oreilles, écrit par Jacopo Ferreti, a été présenté pour la première fois au Teatro Valle de Rome le 25 janvier 1817.
D’une version à l’autre, quelques détails changent : la marâtre du conte de Perrault (1628-1703) est devenue chez Rossini un beau-père méprisant, obséquieux, intéressé… et ridicule, un caractère fort bien interprété et chanté par le baryton Pietro Spagnoli.
Autre exemple, la fée marraine disparait chez Rossini au profit de la figure plus réaliste d’Alidoro, le tuteur du prince dont l’interprétation sobre et magnifique de la basse profonde Kirk Eichelberger rappelle le Zarastro de La Flûte enchantée de Mozart.
Une approche psychanalytique
La proposition de Joan Font est vraiment intéressante en ce qu’elle propose une approche quasi psychanalytique de ce conte populaire. Rêve ou réalité, le doute est permis et Joan Font joue non sans humour avec les éléments, et les indices dans ce sens ne manquent pas…
Angelina est une enfant maltraitée, ignorée et méprisée par son beau-père qui lui préfère ses deux demi-sœurs. Le rêve est donc pour elle une échappatoire salvatrice. La scène finale replace Angelina dans le même contexte que la première scène, une Cendrillon seule devant le foyer, un balai à la main, entourée des rats. N’était-ce qu’un rêve dont le seul souvenir, un diadème, couronne sa tête. Ce diadème ne serait-il que le symbole de l’élévation de son esprit et de sa bonté ?
Ancrée dans la réalité
« Pour moi qui a besoin de temps pour réchauffer ma voix, ce rôle est parfait », affirme Julie Boulianne. « Un rôle qui commence bas et monte peu à peu de plus en plus haut au fur et à mesure que se déroule l’histoire. Toutefois la première scène est particulièrement basse, proche de l’alto », admet-elle. « La difficulté de ce rôle est d’éviter la caricature. Le metteur en scène m’a demandé de rester simple dans le jeu, jamais affectée, comme un témoin de ce qu’elle traverse », poursuit Julie Boulianne. « Joan Font voulait une Angelina ancrée dans le réel, "groundy", presque terre à terre, en comparaison avec les autres personnages plus exubérants, légers et colorés. »
Accompagnant la voix de plus en plus belle de Julie Boulianne, Montréal a découvert samedi soir une voix présente, ronde expressive et puissante portée par le ténor Juan José de Léon. On a déjà hâte à l’entendre dans une prochaine production. Selon moi, un ténor à suivre !
Le doigté du chef
« La musique adoucit les mœurs », dit le proverbe. Lors de la première du samedi 11 novembre 2017, c’était vrai puisque le Madrilène José Miguel Pérez-Sierra dirigeait l’Orchestre Métropolitain avec ce doigté à l’écoute des chanteurs et en parfaite harmonie avec la mise en scène du Catalan Joan Font.
La Cenerentola, opéra de Gioachino Rossini en trois actes sur un livret de Jacopo Ferretti
- Production
- Opéra de Montréal
- Représentation
- Salle Wilfrid-Pelletier , 11 novembre 2017
- Direction musicale
- José Miguel Pérez-Sierra
- Instrumentiste(s)
- INT : Julie Boulianne (Angelina), Pietro Spagnoli (Don Magnifico), Vito Priante (Dandini), Juan José de Léon (Ramiro), Lauren Margison (Clorinda), Rose Naggar-Tremblay (Tisbe), Kirk Eichelberger (Alidoro)
- Mise en scène
- Joan Font