Critiques

UNE CHAUVE-SOURIS ENIVRANTE

UNE CHAUVE-SOURIS ENIVRANTE

PHOTO: Anna-Sophie Neher
(@ Tam Lan Truong)

Pour souligner avec éclat ses soixante ans, Opéra McGill a choisi de présenter au Monument-National une production de La chauve-souris qui montre une nouvelle fois à quel point l’École de musique Schulich est une formidable pépinière de chanteurs promis à une belle carrière. La preuve la plus éloquente en est la présence d’anciens étudiants – différents à chacune des trois représentations – qui viennent faire une apparition surprise chez le prince Orlofsky et qui s’illustrent déjà sur la scène lyrique québécoise, canadienne et internationale. Ainsi, le vendredi 27 janvier, Jeremy Carver James interpréta un extrait d’Anything Goes de Cole Porter, tandis que Lara Ciekiewicz, Simone McIntosh et Chelsea Rus donnèrent rien de moins que le trio du Chevalier à la rose... Les autres soirs, on a pu applaudir Joshua Hopkins, Dominique Labelle et Daniel Taylor (26 janvier), puis Winston Purdy et John Mac Master (28 janvier). 

La distribution de Die Fledermaus de Johann Strauss II, Opéra McGill, 2017

Au sein de la distribution que nous avons entendue, les sopranos Anna-Sophie Neher et Paula Berry possèdent déjà d’éminentes qualités vocales et un aplomb scénique qui devraient leur ouvrir les portes de nombreuses compagnies d’opéra. Chez la première, qui campe une Adele pétillante à souhait, le talent de comédienne se double d’une assurance vocale confondante. Il faut l’entendre non seulement dans « Mein Herr Marquis », mais surtout dans le désopilant trio du troisième acte, où elle enchaîne avec maestria des extraits de Lakmé, Les Contes d’Hoffmann et La traviata, avant de reprendre la partition de Strauss... Quant à Paula Berry, sa Rosalinde impressionne par l’ampleur d’une riche voix aux superbes harmoniques qui lui permet de triompher de la plupart des écueils de la redoutable czárdás (danse hongroise). 

Sans égaler la maîtrise technique de ces deux interprètes, les autres solistes se situent néanmoins à un haut niveau de professionnalisme et sont tous animés par un merveilleux esprit d’équipe, condition essentielle dans un ouvrage aussi endiablé. Parmi les chanteurs les plus doués sur les plans scénique et vocal, on retient le Falke châtié de Jean-Philippe Mc Clish, l’Alfred truculent de Haitham Haidar et le Gabriel von Eisenstein très en voix de Patrick McGill. Les dialogues sont donnés principalement dans l’allemand original, mais on entend aussi quelques répliques en français et en anglais. 

Sur le plan visuel, on remarque peut-être moins les décors fonctionnels et de bon goût de Vincent Lefèvre que les somptueux costumes de Ginette Grenier, en particulier ceux de Rosalinde. Après une superbe robe d’intérieur inspirée de l’art de Gustav Klimt, Mme von Eisenstein porte pour le bal masqué du deuxième acte un costume hongrois très original, à la fois sensuel et d’un grand chic. 

Cumulant les fonctions de metteur en scène et de chef d’orchestre, Patrick Hansen, qui célèbre cette année ses dix ans en tant que directeur d’Opéra McGill, entraîne musiciens et chanteurs dans un joyeux tourbillon. Afin de maintenir le rythme de la comédie, il n’hésite pas à réduire au minimum le rôle parlé du geôlier Frosch, à qui sont tout de même confiées quelques répliques fort amusantes. Si Hansen ne peut racheter certaines faiblesses et imprécisions de l’orchestre, notamment dans l’ouverture, il confère néanmoins une assez bonne tenue à sa formation et nous réserve un moment inoubliable au troisième acte. Lorsque le directeur de la prison Frank retourne au travail après sa nuit bien arrosée, les musiciens accompagnent son sommeil aviné en faussant de façon hilarante. C’est là une des scènes les plus irrésistibles d’une soirée extrêmement réussie et on ne peut plus festive.

Die Fledermaus

Opérette en trois actes de Johann Strauss fils, livret de Richard Genée et Karl Haffner

Production
Opéra McGill
Représentation
Monument-National , 27 janvier 2017
Direction musicale
Patrick Hansen
Interprète(s)
Anna-Sophie Neher (Adele) ; Paula Berry (Rosalinde) ; Patrick McGill (Eisenstein) ; Haitham Haidar (Alfred) ; Jean-Philippe Mc Clish (Falke) ; Rose Naggar- Tremblay (Orlofsky) ; Ciáran Wooten (Blind) ; Aaron Murphy (Frank) ; Charlotte Stewart-Juby (Ida) ; Paul Winkelmans (Frosch) ; Eric Epp (Ivan)
Mise en scène
Patrick Hansen
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