BRANLE-BAS À GEROLSTEIN
PHOTO: De gauche à droite: Eugénie Préfontaine, Sylvain Paré ; au centre, Étienne Cousineau (la Grande-Duchesse) entouré des choristes
(@ Martin Alarie)
Après son impayable Gabrielle de La Vie parisienne présentée au printemps 2016, voici qu’Étienne Cousineau revêt les atours de la truculente Grande-Duchesse de Gérolstein. Grâce à son incarnation absolument flamboyante de ce personnage d’Offenbach, et sans jamais céder à la vulgarité trop souvent associée aux spectacles de travestis, il offre le démenti le plus éclatant à ceux qui pourraient juger incongrue l’idée de confier le rôle à un interprète masculin. Sa superbe voix de sopraniste, son abattage scénique exceptionnel et son sens inné du comique confèrent en effet beaucoup de relief à cette souveraine au caractère fantasque qui proclame à qui veut l’entendre son amour immodéré pour la gent militaire. Il faut voir cette Grande-Duchesse déployer tout son arsenal de séduction afin de chercher à émoustiller le soldat Fritz ou le précepteur Grog pour comprendre véritablement l’incroyable charge érotique dont le compositeur et ses deux librettistes ont investi leur héroïne.
Non content de brûler les planches, Étienne Cousineau est le grand ordonnateur de la soirée, puisqu’il règle également la mise en scène enlevée et les chorégraphies très amusantes. Avec sa modeste équipe de sept solistes et neuf choristes endiablés, il réussit à traduire la folle agitation qui s’empare des habitants du Grand-Duché et à animer le plateau d’une énergie débordante. Avouons cependant qu’il éclipse le reste de la distribution, dont le plaisir manifeste à jouer la comédie ne saurait occulter certaines insuffisances vocales. Ainsi aurait-on souhaité un général Boum possédant un vrai timbre de basse, un Fritz et une Wanda au chant plus châtié et une baronne Puck (qui se substitue ici au baron habituel) à la voix plus affermie. En revanche, le ténor Serge Turcotte se révèle d’une grande justesse dans le rôle du timoré Prince Paul, éternel fiancé puis, finalement, époux de la Grande-Duchesse. Au piano, Pierre McLean prouve une nouvelle fois à quel point il est un merveilleux accompagnateur : attentif aux chanteurs, il sait constamment trouver le tempo adéquat et participe pleinement à la réussite d’une soirée qui, malgré nos quelques réserves, s’est révélée le meilleur antidote à la déprime automnale.
La Grande-Duchesse de Gérolstein
Opéra bouffe en trois actes, de Jacques Offenbach, livret d’Henry Meilhac et Ludovic Halévy
- Production
- Productions Belle Lurette
- Représentation
- Maison des arts de Laval , 11 novembre 2016
- Interprète(s)
- Étienne Cousineau (la Grande-Duchesse) ; Sylvain Paré (Fritz) ; Eugénie Préfontaine (Wanda) ; Benoît Godard (Général Boum) ; Serge Turcotte (Prince Paul) ; Michaël Beaulieu (Grog) ; Tristan Roy (Népomuc) ; Jocelyne Cousineau (Puck)
- Mise en scène
- Étienne Cousineau
- Pianiste
- Pierre McLean