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TÊTE D'AFFICHE - Frédéric Antoun

TÊTE D'AFFICHE - Frédéric Antoun

Le ténor n’a chanté dans La bohème qu’une seule fois depuis le début de sa carrière, au Curtis Institute of Music, à Philadelphie, alors qu’il entamait sa deuxième maîtrise en chant lyrique. Cette institution valorisait la professionnalisation de ses étudiantes et étudiants, et encourageait ces derniers à rechercher des engagements auprès de maisons d’opéra reconnues. C’est dans le cadre de ses études que Frédéric Antoun a pu incarner Rodolfo, ce personnage qui demande de grandes qualités dramatiques, alors qu’il n’avait que 26 ans. « Je ne pense pas que j’aurais été prêt à jouer ce rôle professionnellement, songe-t-il, mais comme le Curtis Institute m’en a donné l’occasion dans un contexte universitaire, ça m’a permis de maturer dans mon rôle de chanteur ».

Selon lui, être artiste lyrique demande un certain sens de la responsabilité. Ce qui lui a fait réaliser l’importance de son rôle dans une production musicale, c’est l’interprétation de l’Évangéliste dans la Passion selon saint Jean de Bach sous la direction de Martin Dagenais en 2000. Chanter, que ce soit à l’opéra ou en concert, demande de jouer le maître de cérémonie, de raconter un récit important mis en musique, de s’oublier soi-même et de se laisser aller tout entier à un rôle : c’est une responsabilité envers la musique comme envers le public.

En retrouvant le personnage de Rodolfo, Frédéric Antoun constate son admiration pour l’écriture musicale de Puccini. Les lignes à chanter sont très longues et soutenues, ce qui demande une excellente gestion du souffle, mais elles contiennent aussi un lyrisme délicat et équilibré. Le chanteur imagine qu’il devra porter une attention particulière à ne pas trop « pousser » sa voix dans les élans romantiques, qui invitent typiquement au volume et au drame ! Il se réjouit également de travailler aux côtés d’une équipe entièrement composée de nouveaux collègues qu’il va rencontrer lors des premières répétitions.

La participation de Frédéric Antoun à cette production est concomitante avec une décision qu’il a prise à la suite de la pandémie de COVID-19 : rester plus longtemps à la maison et, par extension, participer à moins de productions opératiques à l’étranger. Le chanteur réalise que depuis le début de sa carrière, il y a une vingtaine d’années, il est parti presque huit mois par année à l’étranger pour différentes productions qui s’enchaînent. Aujourd’hui père d’un adolescent et conjoint, les enjeux s’accumulent autour de la carrière internationale qu’il s’est bâtie, et il doit à présent voyager seul. Lorsqu’il a recommencé à monter sur scène au relâchement des mesures sanitaires en 2021, il se sentait loin de chez lui et de ses proches. Alors qu’il répétait au Royal Opera House Covent Garden à Londres, il s’est franchement posé la question : « Qu’est-ce que je fais ici, et pourquoi je fais ça ? ». C’est par un besoin d’enracinement, d'un sens de la communauté et de la famille qu’il a pris la décision de moins s’investir dans les productions d’opéra qui lui demandent de partir durant des périodes prolongées. « Un fils a besoin de son père, et moi aussi j’ai besoin de lui ! » ajoute-t-il avec chaleur. C’est aussi une manière pour lui de renforcer son amour du métier et du public : « Maintenant, je me remets finalement dans le bain, et je ne veux qu’entamer des projets dont je tire du plaisir. C’est un très beau métier qui demande un don de soi continuel, autant aux artistes lyriques qu’aux instrumentistes dans la fosse. On ne peut pas penser à autre chose que donner, donner, donner, parce que la musique, elle, ne s’arrête pas ».

Frédéric Antoun se tournera ainsi vers la musique de concert, qui demande un investissement plus restreint dans le temps et qui lui permet d’entreprendre des projets locaux. Le ténor souhaite rester sur le continent, et a même récemment engagé un agent d'artiste canadien afin de le soutenir dans cette nouvelle démarche. Dans le contexte politique qui affecte le milieu culturel, il est heureux de contribuer à l’économie de chez nous. Les prochains mois sont remplis de projets musicaux, mais qui ne sont pas toujours accompagnés d’une mise en scène ; c’est donc une occasion unique de retrouver le ténor à l’opéra dans La bohème à l’Opéra de Montréal du 10 au 18 mai prochain.

Pour vous procurer des billets pour cette production, c’est ici. Pour en savoir plus sur la carrière du chanteur, vous pouvez consulter l’Entretien qui lui a été consacré dans le numéro 27 de notre revue.

Photographie: Marc Bourgeois



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