TÊTE D'AFFICHE - Lucie St-Martin
Entre les deux productions de 2023 et 2025 de L'enfant et les sortilèges, Lucie St-Martin se réjouit des similitudes comme des changements : si elle travaille toujours avec Nicolas Ellis et l’Orchestre de l’Agora, de même qu’avec Sylvain Scott à la mise en scène et Marc Sénécal aux costumes, la scénographie est différente parce que le théâtre Maisonneuve bénéficie d’une fosse, à la différence du Théâtre Paradoxe où a été présenté l’opéra en 2023. La modification de l’espace de jeu permet aux interprètes de prendre plus de liberté dans leurs déplacements, ce qui est tout à leur avantage pour un opéra qui nécessite autant de théâtralité. Lucie St-Martin, qui raffole de ce genre de défi, raconte que le rôle de l’Enfant lui demande d’habiter son corps d’une manière tout à fait différente : il ne faut surtout pas caricaturer un enfant, mais bien l’incarner. « Ici, on veut vraiment parler aux enfants », renchérit-elle. La nuance est cruciale dans la mesure où la représentation du 9 février est intégrée à l’événement bénéfice La Kermesse des enfants, où des activités de médiation, des ateliers créatifs et un goûter seront proposés au jeune public. Il faut donc que Lucie St-Martin se rappelle de ce que c’est d’avoir huit ans pour bien doser la malice, la curiosité et l’étonnement qu’elle doit insuffler à son personnage.
La soprano accorde beaucoup d’importance au lien qu’elle parvient à créer avec l’auditoire lors d’une représentation ; comme un public d’enfants est particulièrement réactif, elle doit interpréter de manière plus directe, plus brute, comme si elle parlait à chacun d’entre eux. Parmi les rires, les chuchotements et les gazouillis, elle cherche à glisser un clin d’œil, à croiser un regard, à briser le quatrième mur, et ce tout en maintenant son attention sur l’œuvre. Dans cette optique, toute la distribution effectue un travail de mouvement, posture et démarche avec la danseuse et chorégraphe invitée, Jamie Wright. « Lors de nos séances de mouvement, le miroir est notre plus grand allié ! » ajoute la soprano à cet égard.
La difficulté de cet opéra ne réside pas que dans le jeu d’acteur qu’il requiert mais aussi dans la musique, aussi belle que difficile à chanter. Durant les 45 minutes de l’œuvre, Lucie St-Martin est continuellement sur scène : « c’est un marathon ! », lance-t-elle à cet égard. C’est la signification des mots qui est au premier plan dans L’enfant et les sortilèges; le livret créatif et humoristique de Colette présente des personnages théâtraux et expressifs sans tomber dans le cliché, et la soprano considère que l’orchestration colorée de Maurice Ravel sublime la portée du texte : « La musique de Ravel est extrêmement bien écrite, ce qui, en quelque sorte, facilite mon travail d’actrice, mais elle est également complexe et me demande une grande concentration tout au long de l’opéra. Mon défi est de rendre cela le plus naturel possible, puisqu’il s’agit d’abord et avant tout de raconter une histoire. Mon souhait est que le public soit transporté dans un autre univers ». Chaque personnage se voit attribuer un thème musical unique, comme celui de la Princesse qui est plus vaporeux ou celui de l’Horloge qui est plus martial, ce qui permet à Ravel de juxtaposer de multiples influences de la modernité musicale, comme le jazz et le foxtrot, à de la musique chorale et des danses plus anciennes. Ainsi, la sensibilité de la musique et la poésie du livret font de L’enfant et les sortilèges un opéra magique pour les grands, qui peuvent apprécier la finesse d’écriture de Ravel et Colette, comme pour les petits qui découvrent un univers plein de surprises et de rebondissements.
Lucie St-Martin est fière de retrouver l’Opéra de Montréal le mois prochain, institution qui selon elle a à cœur de diversifier son offre musicale en vue d’élargir son public. L’enfant et les sortilèges sera jumelé à une création de Laurence Jobidon (compositrice) et Maria Reva (librettiste), Le phare, opéra également destiné à un jeune public. Après la production, Lucie St-Martin se concentrera sur de nouveaux projets, notamment le début d’une tournée internationale dans cinq pays grâce aux prix et décorations reçus lors du 30e Gala bénéfice des Jeunes Ambassadeurs Lyriques en octobre 2024. Si vous désirez en savoir plus sur la trajectoire de cette étoile montante, nous vous invitons à consulter le Portrait qui lui a été consacré dans le numéro 31 de L’Opéra – Revue québécoise d’art lyrique.
Pour davantage d’informations sur la production de L’enfant et les sortilèges de l’Opéra de Montréal, c’est ici.