CRITIQUE - Cap sur la mer avec La grande vague
Le vendredi 8 avril a eu lieu le concert La grande vague : Alma et la Mer à la Maison symphonique de Montréal avec l’Orchestre Métropolitain, qui a pu briller sous la baguette du prodigieux chef d’orchestre, Kensho Watanabe.
En ouverture s’est tenue la première audition professionnelle de l'œuvre de jeunesse de Paola Prestini, compositrice italo-américaine : Barcarola. Composée en 1996, cette création trouve son inspiration dans un poème de Pablo Neruda et se veut une métaphore du désir à travers l’océan et ses tempêtes. Pari tenu pour la compositrice présente dans la salle qui, en quinze minutes, parvient à installer un air marin très calme où l’orchestre se réveille doucement. Avec des ambiances très pastorales où les flûtes semblent être des oiseaux, les pizzicati des altos viennent perturber cette accalmie. La houle des timbales entraîne les violons et soulève une tempête en mer retentissant jusque sous nos pieds laissant l’auditeur face à son battement de cœur.
À peine après avoir repris son souffle et s’être remis de ses émotions, le public accueille sur scène la grandiose soprano Karina Gauvin. Elle vient interpréter Sept lieders d’Alma Mahler. Son timbre chaud et envoûtant va droit au cœur et fait naître un frisson dès la première note. Il est cependant regrettable de ne pas pouvoir profiter pleinement de la gestuelle et du regard de la soprano, happée dans sa partition. De plus, sa voix s’est retrouvée couverte à plusieurs reprises par l’orchestre dans les graves. Est-ce un problème de registre ou d’un orchestre qui joue trop fort ? Il en reste que le public pourrait s’attendre à plus en allant écouter un concert avec Karina Gauvin. Bien que ses graves soient étouffés, la précision et la rigueur de ses consonnes viennent repêcher l’oreille de l’auditeur perdue dans le mélisme de l’orchestre. À travers des thèmes évoquant l’été, la forêt et la moisson, il est possible de se demander où est passée la mer dans ses lieder. Elle est pourtant là, cachée dans le « Chant de la moisson » (Erntelied en allemand) : « Elle est là, la mer. Elle s’éveille au loin et gronde ».
Le cap est donc maintenu vers La Mer de Debussy pour clore la soirée. Magistralement dirigée par le chef Kensho Watanabe, la fin de l'œuvre a laissé échapper un « wow » du public avant que celui-ci ne commence à applaudir. Le dynamisme, l'écoute et la justesse émanant du nouveau chef américain sur la scène internationale donnent l’espoir de le revoir aussi souvent que possible à Montréal.
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« La grande vague : Alma et la mer »
Œuvres de Paola Prestini, Alma Mahler et Debussy
Production : Orchestre Métropolitain
Maison symphonique de Montréal, 8 avril 2022
INT : Karina Gauvin (soprano)
DM : Kensho Watanabe
ORC : Orchestre Métropolitain