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COUP D'OEIL SUR LA RELÈVE - Mettre sur pied sa première production d’opéra : Voilà, la vie parisienne par Caroline Godebert

COUP D'OEIL SUR LA RELÈVE - Mettre sur pied sa première production d’opéra : Voilà, la vie parisienne par Caroline Godebert

Distribution de Voilà, la vie parisienne (aucun crédit) 

Si la transition vers la vie professionnelle peut s’avérer ardue pour les finissants et les finissantes dans le milieu artistique, certaines personnes préfèrent voir cette période transitoire comme une occasion de créer de façon indépendante et de constater leurs aptitudes. C’est le cas de Caroline Godebert, une soprano diplômée de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, qui a produit sa toute première production lyrique en 2021. Entretien avec cette jeune chanteuse que la pandémie n’a pas empêché de réaliser l’un de ses rêves.  

La soprano Caroline Godebert chérissait depuis longtemps le souhait de mettre sur pied sa propre production lyrique. En 2021, elle a pris le taureau par les cornes : ce n’est ni son jeune âge, ni la pandémie qui la freinerait dans la réalisation de son projet. Elle s’est donc mise au travail, afin de produire une version pour cinq voix et piano de l’opéra La Vie parisienne (1866) du compositeur français Jacques Offenbach (1819-1880). Les 1er et 3 décembre 2021, l’arrangement Voilà, la vie parisienne a finalement été présenté en salle respectivement à léglise Sacré-Cœur-de-Jésus située à McMasterville, puis à la salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal. L’équipe de L’Opéra s’est donc entretenue avec l’instigatrice du projet afin d’en apprendre davantage sur les étapes que comporte la mise sur pied d’une première production lyrique.  

Affiche officielle de Voilà, la vie parisienne (crédit : Caroline Godebert) 

Caroline Godebert, d’origine française, fréquente diverses institutions musicales depuis l’âge de quatre ans. Si elle pratique d’abord la contrebasse jusqu’à ses 12 ans, elle se consacre par la suite au chant lyrique, en participant d’abord au Chœur La Maîtrise de Paris, qui offre un programme permettant aux musiciens et aux musiciennes de faire leur école régulière le matin, puis d’étudier la musique en après-midi. Elle part pour Montréal à 17 ans, afin de venir compléter à l’Université de Montréal un baccalauréat en chant classique sous la tutelle de Rosemarie Landry et de Julie Daoust. Par la suite, elle a complété sa maîtrise auprès de Rosemarie Landry et de Richard Margison, puis s’est lancée dans la vie musicale professionnelle.  

Lors de notre entretien, Caroline a raconté qu’elle a d’abord discuté de son projet avec le baryton Marc-Antoine D’Aragon, pour lequel elle travaille à titre d’assistante. Ce dernier, ayant de l’expérience dans le domaine de la production de spectacle, a accepté de la guider et lui a fourni les outils nécessaires à la réalisation de son projet. Du même coup, il a aussi accepté de chanter dans la production, ce qui a permis d’ajouter un membre à l’équipe d’interprètes. Les préparatifs, qui ont débuté en août 2021, ont compris un nombre important d’étapes : trouver l’ensemble des musiciens et des musiciennes nécessaires à l’interprétation, préparer une version réduite de La Vie parisienne – un opéra comprenant une distribution imposante –, trouver du financement, un lieu de répétition et plus encore. En outre, bien que le projet prenne la forme d’un opéra présenté davantage dans une formule de concert, l’aspect de la mise en scène a été considéré dès le départ. Caroline s’est donc rapidement tournée vers le metteur en scène François Racine, reconnu pour ses nombreuses mises en scènes d’opéra, qui a d’emblée accepté de collaborer avec la jeune soprano. De plus, chaque extrait chanté est précédé durant le spectacle d’un texte de mise en contexte, afin que le fil de l’histoire puisse être suivi sans problème par le public comme l’opéra a été écourté. 

En ce qui concerne la musique, Caroline nous a confié avoir éprouvé moins de difficulté qu’elle ne l’imaginait à produire un arrangement de l’opérette d’Offenbach. Elle a d’abord déniché une version pour piano et voix, qui sert normalement pour les répétitions d’opéra. Cette version est pour sept voix ; il a donc fallu l’arranger pour n’en conserver que cinq. À cet effet, beaucoup de tests ont été faits durant les répétitions afin de trouver à l’oreille les meilleures harmonies. Si c’est Caroline qui s’est occupée de l’arrangement, une grande collaboration a tout de même découlé des nombreuses rencontres entre les interprètes. « Comme c’est une opérette, ce qui importe le plus, ce sont les mots et le texte », indique Caroline, en expliquant qu’il est toujours possible de contourner certaines harmonies pour bien rendre le comique de l’œuvre.  

Afin de compléter son équipe, la soprano s’est tournée vers des collègues qu’elle a côtoyé lors de son passage à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Ainsi, elle a réussi à rassembler avec elle la mezzo-soprano et doctorante en chant classique Hélène Picard, le ténor Jérémie Domenico, le baryton et doctorant en chant classique Ricardo Galindo, ainsi que le pianiste Tony Stauffer, qui complète actuellement son doctorat en accompagnement au piano. Cela portait la distribution à cinq artistes lyriques, accompagnés du pianiste. Plusieurs d’entre eux et elles avaient d’ailleurs déjà chanté certains rôles de La Vie parisienne, puisque l’Atelier lyrique de l’Université de Montréal a monté et présenté cet opéra en février 2020. Le processus de production a ainsi été facilité, d’autant plus que plusieurs interprètes de l’équipe avaient déjà travaillé ensemble, ce qui a contribué à créer une dynamique très agréable.  

Ce qui caractérise l’expérience de Caroline, c’est le nombre de premières auxquelles a dû faire face. Un premier spectacle, une première campagne de socio-financement, un nouveau site web, la première location de salle… la liste est longue! C’est cependant ce dernier aspect qui a été l’un des plus complexes à gérer, encore plus en temps de pandémie. Trouver des locaux pour répéter, ainsi qu’une salle de concert, lorsqu’on ne fait plus partie officiellement d’une Faculté de musique, ce n’est pas si simple. Après des démarches fastidieuses, c’est finalement vers le Conservatoire de Montréal qu’elle et ses collègues se sont tournés. Là-bas, l’équipe a pu répéter, puis présenter la deuxième représentation du concert. À propos de la location de salles de répétition, la soprano s’est dit surprise d’avoir autant de difficulté à repérer un endroit ou pratiquer, d’autant plus qu’elle disposait d’un budget à cet effet. Cela soulève un enjeu important pour la relève lyrique : l’accès difficile à des lieux de répétition lorsqu’on ne fait plus partie du corps étudiant d’une institution. Si la transition vers le milieu professionnel est d’emblée complexe, le manque de soutien des diverses institutions scolaires musicales à Montréal à cet effet ne représente qu’une embuche supplémentaire.   

Pour Caroline Godebert, cette production représente un premier grand pas dans la vie professionnelle. En effet, elle précise que par ce projet, elle a voulu créer de manière indépendante après sa scolarité et ainsi découvrir l’étendue de ses capacités, en dehors d’une institution scolaire. Elle indique également ne pas avoir fait de coaching vocal pour ce spectacle, le but étant vraiment de puiser dans toutes les connaissances qu’elle a acquises au fil des années. Pour la suite, la soprano nous a confié qu’elle travaille présentement à l’organisation un concert virtuel pour Voilà, la vie parisienne. Les représentations en salles ayant été captées sur vidéo, elle souhaite rendre sa production accessible au plus grand nombre. Ce sera donc un projet à suivre de près au courant de l’hiver, qui, on le souhaite, permettra d’alimenter la vie lyrique en ces temps difficiles 

Distribution de Voilà, la vie parisienne (crédit : Conservatoire de musique de Montréal) 


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