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PORTRAIT- Joé Dandonneau-Lampron- Partager la musique

PORTRAIT- Joé Dandonneau-Lampron- Partager la musique

Originaire de Richmond, dans les Cantons-de-l’Est, le ténor Joé Lampron-Dandonneau est titulaire d’une maîtrise en chant classique de l’Université de Victoria, ainsi que d’un Graduate Diploma in Performance de l’Université McGill sous la direction de Dominique Labelle. Au cours des dernières années, on a pu le voir interpréter plusieurs grands rôles au sein de différentes productions lyriques : le Roi Ouf de L’Étoile d’Emmanuel Chabrier, le Mari des Mamelles de Tirésias de Poulenc et tout récemment, il tenait le rôle de Sam dans la production de Street Scene de Kurt Weill, avec Opéra McGill.

Quand avez-vous commencé à chanter ?

Depuis un très jeune âge, je chante dans des chorales. Je viens d’une famille très musicienne : ma mère est pianiste, j’ai un oncle qui est professeur de musique au primaire et mes deux grands frères jouent de la musique également. J’ai toujours baigné là-dedans, mais c’est bien plus tard que j’ai commencé les cours de chant. Après le secondaire, comme la musique rejoignait tous mes intérêts, je me suis inscrit en piano jazz au cégep de Sherbrooke afin d’y compléter un diplôme d’études collégiales. Durant ma première session, un groupe d’amis de mon programme et moi sommes allés voir La Flûte enchantée de Mozart à l’Opéra de Montréal, le 9 novembre 2009. Je me souviens de la date parce que cela a été un moment marquant pour moi ; en sortant de la salle, j’ai dit à Michelle Gagné, une professeure de chant du cégep qui nous accompagnait : « moi, c’est là que je veux être ! » Je n’étais pas en chant classique encore, donc j’ai fait le transfert pour aller dans ce programme l’année suivante afin de terminer mes études collégiales. Mon premier cours de chant officiel a donc eu lieu en janvier 2010.

Quelles ont été les rencontres marquantes dans votre parcours?

La rencontre avec mon professeur à la maîtrise, Benjamin Butterfield a été décisive. C’est un personnage : un peu flyé, toujours énergique! Ce qui m’a grandement inspiré chez lui, c’est la liberté qu’il prend dans le fait de chanter. Il m’a encouragé à m’exprimer, à prendre moi- même cette liberté et à me donner le droit de m’éloigner de la tradition. Par exemple, il est souvent habituel pour les ténors d’atteindre des notes très aiguës pour prouver sa virtuosité. Ces notes ne sont même pas toujours écrites sur la partition ! Ce sont les ténors, depuis la dernière centaine d’années et l’arrivée de l’enregistrement, qui ont pris l’habitude de le faire pour montrer leurs prouesses. Le public a donc une attente à cet égard envers nous. Benjamin m’a appris que j’avais le droit de me distancer de cela et que mon interprétation ne serait pas moins belle si je ne mettais pas l’accent sur cet aspect.

Juste avant que la pandémie frappe la province, vous avez fait partie de la production de Street Scene, composé par Kurt Weill, avec Opéra McGill. Pouvez-vous nous parler de cette expérience?

Oui ! C’était un de mes rôles de rêves, un rôle que je voulais vraiment faire. Je le referais d’ailleurs n’importe quand! Ça a été une si belle expérience... Je suis un fan de jazz et il y en a beaucoup dans l’écriture de Kurt Weill, particulièrement dans Street Scene. C’est aussi un opéra qui était vraiment adapté au contexte académique, parce qu’il nécessite beaucoup de gens ! Il y a une grande place accordée aux personnages secondaires, qui ont aussi leurs histoires dans l’opéra. Souvent, dans le milieu universitaire, les rôles importants sont uniquement confiés aux étudiants des cycles supérieurs. Dans Street Scene, tout le monde trouve sa place. Après tout, on paie aussi pour faire un baccalauréat, alors c’est génial quand certaines productions permettent d’avoir une expérience de scène concrète.

Vous avez également participé cet été à l’Académie internationale vocale de Lachine qui se déroulait sous une forme plutôt particulière en raison de la pandémie. Pouvez- vous nous en parler, ainsi que du concert Plein feux sur la nouvelle génération ?

Ça a tellement fait du bien de savoir que l’Académie maintenait toujours son stage ! Avec toutes les annulations auxquelles nous faisions face depuis le mois de mars, une autre aurait été difficile à prendre. Le fait que ça soit à distance a d’ailleurs donné lieu à des conversations très intéressantes et vraiment différentes. J’ai pu discuter longuement avec le grand baryton français François Leroux du rôle de Pelléas dans Pelléas et Mélisande de Debussy. C’est le genre d’occasion qui arrive rarement ! Pour ce qui est du concert : ça a fait tellement de bien de pouvoir chanter avec un pianiste, après trois ou quatre mois d’arrêt ! Il est évident que c’était aussi une expérience différente de chanter devant une salle vide et d’être enregistré pour la captation. Nous n’avions droit qu’à deux enregistrements par pièce, ce qui était un peu déstabilisant. Par contre, étant donné

les circonstances, j’étais très heureux de la performance que j’ai pu livrer.

Que souhaitez-vous pour la suite de votre carrière ?

Je souhaite faire davantage d’enregistrements. En temps de pandémie, c’est un moyen très efficace afin de continuer à partager la musique avec le public. Je vais d’ailleurs participer à l’enregistrement de l’intégrale des mélodies de Massenet ! Comme la mélodie française est mon répertoire chouchou, j’ai très hâte de concrétiser ce beau projet. J’aimerais évidemment aussi retrouver la scène, qui est pour moi une deuxième maison. Dans un autre ordre d’idées, je souhaite développer mon côté « gestion » et apporter des innovations dans le milieu lyrique. Je m’intéresse particulièrement à l’intégration de personnes vivant des situations de handicap au sein du milieu musical. C’est peu connu de la population, mais il existe de la musique pour personnes souffrant de surdité. On doit faire de la place pour ce type d’art. Cette culture est très développée et il faut la sortir de l’ombre. C’est un sujet qui me passionne et je compte y mettre mon énergie.


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