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Des gestionnaires en réflexion- Patrick Corrigan, directeur général de l'Opéra de Montréal

Des gestionnaires en réflexion- Patrick Corrigan, directeur général de l'Opéra de Montréal

Une version anglaise suit le texte du texte français /
An English version follows the text of the French text :

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Patrick Corrigan est directeur général de l’Opéra de Montréal depuis le 6 septembre 2016 (voir L’Opéra, no 9 automne 2016, p. 5). Après une solide formation musicale, il a commencé sa carrière en 1990 comme chanteur d’opéra. En 1996, il entre à la compagnie Pacific Opera Victoria comme régisseur de scène, poste qu’il occupe jusqu’en 2000. Cette même année, il est nommé directeur du marketing et du développement. Puis, en 2010, il devient président-directeur général de la compagnie. De 2012 à 2015, il est aussi président du conseil d’Opera.ca, l’association nationale pour l’opéra au Canada.

Votre compagnie d’opéra était-elle préparée à un événement tel que la pandémie de la COVID-19 ? 

Non, comme presque tout le monde sur la planète, et en dépit des nombreux avertissements, nous n’étions pas préparés à une pandémie. Il est à espérer que nous apprendrons maintenant à mieux nous préparer pour faire face à une telle éventualité. Je dois dire que lorsque la COVID-19 s’est développée en Chine en janvier, j’ai immédiatement pensé à l’épidémie de SRAS à Toronto au début des années 2000 et à la façon dont elle avait affecté le milieu des arts de la scène. Ayant cela à l’esprit, j’ai proposé très tôt de ne pas ajouter une sixième représentation pour la dernière production de la saison, soit La Flûte enchantée dans la mise en scène très attendue – et iconique – de Barrie Kosky, en raison du risque que laissait planer la maladie à coronavirus. Mon équipe aime bien se moquer... de la façon dont elle s’est moquée de moi à l’époque ! 

Quel impact la pandémie a-t-elle eu sur la vie de votre entreprise jusqu’à présent ? 

À peine quelques jours avant leur première à l’Espace Go, nous avons dû reporter notre production de La Voix humaine et la création de notre nouvelle commande L’Hiver attend beaucoup de moi de Laurence Jobidon et Pascale Ste-Onge, lauréates de Musique 3 Femmes. Nous espérons présenter ces œuvres à l’automne 2020. Nous avons également dû annuler la production de La Flûte enchantée et même annoncer le report des productions à grande échelle prévue à l’automne 2020, soit celle de La Traviata en septembre et de Jenůfa en novembre. Ces œuvres seront désormais programmées pour la saison 2021-2022. Nous espérons donc reprendre nos œuvres de grande envergure en mars 2021 avec la première mondiale de La Beauté du monde de Julien Bilodeau et Michel Marc Bouchard. 

Salle Wilfrid-Pelletier
Place des Arts de Montréal

Pour votre institution et sa direction, quelles sont, selon vous, les principales leçons à tirer de cette pandémie ? 

Notre objectif a été d’élargir l’impact de la forme d’art en développant le travail de chambre que nous avons réalisé au cours des trois dernières saisons. Cela nous a également permis de renforcer notre résilience et notre adaptabilité. Les entreprises qui ne produisent que des œuvres à grande échelle vont être mises hors-jeu pendant un certain temps. Toutefois, comme nous avons des productions à plus petite échelle et qu’un certain nombre de créations d’opéras de chambre sont en cours de réalisation, nous sommes plus à même de nous adapter aux conditions de sécurité qui persisteront jusqu’à ce qu’un vaccin soit mis au point. Nous avons tout d’abord traversé la phase d’urgence, qui consistait à arrêter la production. Maintenant, nous sommes dans la phase de réouverture qui consiste à s’adapter en fonction des restrictions imposées pour des raisons de santé publique et par l’incertitude qui règne. Lorsque la pandémie sera terminée, ou ne sera plus une menace, nous entreprendrons une période de reconstruction. Plusieurs saisons seront sans doute nécessaires pour nous adapter aux nouvelles habitudes de consommation de nos publics. Tout cela exigera une extraordinaire capacité d’adaptation sur le terrain. Pour moi, le grand objectif n’est pas seulement la durabilité, c’est l’adaptabilité. Tout ce que nous pouvons faire dans ce secteur pour accroître notre adaptabilité nous assurera d’être forts à l’avenir. 

À moyen et long termes, quel est l’avenir de l’opéra en tant que forme d’expression culturelle et musicale ? 

L’avenir de l’opéra est brillant et prometteur. De nombreux indicateurs positifs concernant l’opéra sont apparus ces dernières années. L’un d’eux est la demande pour de nouvelles œuvres. Il n’y a pas si longtemps, les compagnies présentaient de nouvelles œuvres parce qu’il s’agissait d’un devoir qu’il fallait assumer. Aujourd’hui, on perçoit une réelle volonté de la part des publics d’entendre des créations. De plus en plus d’artistes considèrent par ailleurs l’opéra comme un moyen efficace d’expression créative. L’opéra se débarrasse ainsi de l’image du canon lié au XIXe siècle et les artistes sont plus avides d’explorations. Leur impact n’est plus du tout négligeable. Les jeunes contribuent par ailleurs plus que jamais à la croissance de l’opéra et influencent cette forme d’art. 

Enfin, nous devrions tous et toutes considérer le succès de la diffusion simultanée et en ligne de l’opéra comme un grand pas en avant pour l’avenir de l’art lyrique. Je suis fier que l’opéra ait eu recours aux nouvelles technologies. Bien que nous puissions débattre de l’impact de leur utilisation, la vérité est que la relation entre les arts de la scène et la technologie n’a jamais reculé depuis l’invention de l’électricité. Il ne fait absolument aucun doute qu’à l’avenir, la consommation des arts de la scène par des moyens électroniques continuera d’augmenter. Si nous continuons à investir et à mettre toutes nos compétences au service de cette forme d’art, je suis de plus en plus convaincu que l’opéra aura une forte présence dans notre paysage culturel. 

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Version anglaise / English version

Patrick Corrigan has been General Manager of the Opéra de Montréal since September 6, 2016 (see L’Opéra, no 9 fall 2016, p. 5). After a solid musical education, he began his career in 1990 as an opera singer. In 1996, he joined Pacific Opera Victoria as stage manager, a position he held until 2000. That same year, he was appointed Director of Marketing and Development. Then, in 2010, he became president and CEO of the company. From 2012 to 2015, he was also Chairman of the Board of Opera.ca, the national association for opera in Canada.

Was your opera company prepared for an event such as the COVID-19 pandemic?

No, we, like almost everyone else on the planet, despite many warnings, were not prepared for a global pandemic.  Hopefully now, we can all learn how to be more prepared, or at least how to cope with one.  However, when the pandemic was developing in China in January, I did think immediately about the Toronto SARS outbreak in the early 2000s and how it affected the performing arts. Based on that risk, we had decided that early on not to add a sixth performance of the Magic Flute because of the added risk.  My team likes to laugh about how they laughed at me at the time.

What impact has the pandemic had on your company's life to date?

We had to postpone our production of La Voix Humaine and the our new commission, L’hiver attend beaucoup de moi by Musique 3 Femmes laureates Lawrence Jobidon et Pascale Ste-Onge, and we had to cancel Barry Kosky`s now iconic production of The Magic Flute.  Very sad – the new commission was yanked out of l’Espace Go! a couple of days before the premiere, but we hope to present the work in the fall of 2020.  Recently, we have had to announce the postponement of the large scale productions in the fall of 2020 – Traviata in September and Jenufa in November.  These works will now be programmed for the 2021/2022 season.  So we hope to resume our large scale works in March 2021 with the world premiere of La beauté du monde.

For your institution and its management, what do you think are the main lessons to be learned from this pandemic?

Our goal has been to broaden the impact of the artform by expanding into chamber work which we have done of the last three seasons. This has also given us a greater resilience and adaptability.  Companies that only produce large scale works are going to be out of the picture for a while. But because we have smaller scale productions and a number of new chamber creations in the works, we are more able to adapt to the safety conditions that will persist until there is a cure of vaccine. First we went through the emergency phase which was all about shut downs. Now we are in the re-opening phase which is about adapting to restrained conditions and massive uncertainty.  When the pandemic is over, or no longer a threat, we will go through a period of rebuilding, because this will have changed. For example, it could take several seasons to rebuild our audiences and to adapt to new consumer habits.  All of this will demand extraordinary adaptability in the field.  For me the great goal is not merely sustainability, it`s adaptability.  Anything we can do in this industry to increase our adaptability will ensure we are strong in the future.

In the medium and long term, what is the future of opera as a form of cultural and musical expression?

The future of opera is bright and promising. There are many wonderful indicators of its health that have been emerging in recent years. One is the demand for new work. Not that long ago, new works were embarked on as a duty. Today there is genuine demand. Audiences are evolving to rely less on the chestnuts and more on diverse and new experiences. Two, more and more artists see opera as a plausible medium for their creative expression. As it shakes off the image of the 19th century form limited to its canon, artists are more eager and feel more welcome to explore its potential.  Three, younger artists are rolling up their sleeves to create and produce opera on their own and they are having a beautiful impact. This is a thrilling growth area for opera, as young artists today have more impact on the future of the form than I have ever seen. And finally, we should all see the success of opera simulcasts and online as a great step forward for the future of the form.  I`m proud that opera had such an impactful response to new technologies, and though we can debate its impact, the truth is the relationship between the performing arts and technology has never retreated since the invention of electricity.  There is absolutely no doubt that in the future, performing arts consumption by electronic means is going to increase, and we can be encouraged that, if we continue to invest in the required competencies, opera will have a strong presence in the cultural landscape.


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