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RÉTROSPECTIVES- Lieu- Teatro alla Scala de Milan

RÉTROSPECTIVES- Lieu- Teatro alla Scala de Milan

Depuis maintenant quatre siècles, l’Italie occupe une position importante dans le développement de la musique classique, plus particulièrement de l’opéra. Viennent rapidement à l’esprit les noms de Giuseppe Verdi, Giacomo Puccini, Gioachino Rossini et Ruggero Leoncavallo, qui sont à l’origine de chefs-d’œuvre tels que La Traviata, La BohèmeIl Barbiere di Siviglia et Pagliacci lorsqu’on évoque le grand répertoire lyrique. De nombreuses villes de la péninsule peuvent s’enorgueillir de la présence d’un grand théâtre dédié à la présentation de cet art. La passion pour l’art lyrique est d’ailleurs encore aujourd’hui partagée en Italie par les jeunes et les moins jeunes qui se retrouvent dans les mêmes théâtres. Parmi ceux-ci, et dissimulé derrière les nombreux monuments de Milan, se trouve le plus grand temple de l’histoire lyrique : le Teatro alla Scala, que l’on nomme familièrement La Scala.

Construit dès 1776, l’édifice qui abrite La Scala est une commande de l’archiduc et gouverneur général de Lombardie, Ferdinand de Habsbourg, fils de l’impératrice Marie- Thérèse d’Autriche – la Lombardie (région dans laquelle se trouve la ville de Milan) ayant été sous la domination des Habsbourg de 1714 à 1797. C’est à l’architecte Giuseppe Piermarini que revient la tâche d’imaginer et d’édifier La Scala, qui sera finalement inaugurée le 3 août 1778. Pour l’occasion, Antonio Salieri, alors musicien officiel de la cour de Vienne, est appelé à créer une nouvelle œuvre, Europa riconosciuta.

Le théâtre devient par la suite un lieu emblématique de l’art lyrique et témoigne de nombreux évènements dans le développement de la vie culturelle et politique de l’Italie. En effet, alors que le monument est tout d’abord un endroit que fréquente l’aristocratie, il devient par la suite le théâtre du peuple puisqu’il représente le centre névralgique de la haute société italienne. Il émerge ensuite comme un étendard de la modernité après la période de l’unification de l’Italie (le Risorgimento), avant de tomber aux mains des fascistes à la fin des années 1920. Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre reprend progressivement ses activités et contribue à la démocratisation de la vie lyrique. Sans être un théâtre national, La Scala a réussi à s’imposer comme un marqueur de l’identité culturelle du peuple italien au cours des derniers siècles, devenant ainsi un symbole fort de la nation.

Durant les deux derniers siècles, de nombreux opéras ont été créés à La Scala, tels Norma de Bellini (1831), Nabucco et Otello de Verdi (1842 et 1887) ainsi que Turandot de Puccini (1926). Depuis la fin du XVIIIe siècle, La Scala symbolise l’ascension sociale dans le monde lyrique : ce théâtre est pour le milieu de l’opéra ce qu’Hollywood est pour le monde du cinéma, un horizon presque inatteignable; le but ultime d’une carrière artistique. Les plus grands noms du monde lyrique tels que Maria Callas et Luciano Pavarotti – pour ne nommer que deux interprètes de grande renommée – s’y sont d’ailleurs taillé une place de choix.

Quelques Québécois et Québécoises ont eu le privilège d’y chanter. La première fut la soprano Emma (Lajeunesse) Albani, qui devait prendre le rôle principal dans Lucia di Lammermoor et Gilda dans Rigoletto, en 1880. Selon l’Encyclopédie canadienne, l’unique représentation de Lucia est interrompue sans que l’on en connaisse les raisons et rien ne porte à croire que les représentations de Rigoletto aient eu lieu par la suite.

Il faut ensuite attendre plus de 50 ans avant de revoir un artiste lyrique du Québec sur la scène de La Scala. Il s’agit du ténor Nicholas Massue, né à Varennes. Ayant vécu une partie de son enfance en Italie, il change de nom pour devenir Giuseppe Massù avant de faire ses débuts dans de nombreux théâtres du pays. Celui-ci connaît ensuite une première gloire à La Scala où il tient en 1934 le rôle de Lorenzo de l’opéra-comique

Fra Diavolo (1830) de Daniel-François-Esprit Auber. Le théâtre lui confie par la suite plusieurs premiers rôles dans des œuvres telles que Faust de Gounod et Lohengrin de Wagner.

Depuis le début des années 2000, le nombre de Québécois et de Québécoises qui ont chanté à La Scala a explosé ! C’est le baryton Jean-François Lapointe qui y fait tout d’abord son entrée en novembre 2005. Puis, en 2007, la soprano Manon Feubel foule cette scène dans le rôle de Lucrezia dans I due Foscari de Verdi. En 2013, la contralto Marie-Nicole Lemieux se produit à La Scala dans Falstaff de Verdi dans le cadre d’une co-production avec le Royal Opera House Covent Garden et la Canadian Opera Company. Dans la décennie qui suit, la basse Alain Coulombe, la soprano colorature Marie-Ève Munger et la mezzo-soprano Michèle Losier, en foulent la scène sans bien sûr oublier Yannick Nézet-Séguin, qui a assuré la direction musicale de l’opéra Roméo et Juliette de Gounod pour la grande compagnie lyrique italienne en 2011.

Hugo Laporte devait lui-même y chanter pour la première fois au mois de mars 2020, n’eut été la fermeture précipitée de La Scala en raison de la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19). Mais ce n’est que partie remise pour le baryton québécois qui reprendra ses débuts dans la grande institution en 2023 et sera suivi, il est à espérer, par les artistes lyriques québécois des générations futures !


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