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NICOLAS ELLIS - UN CHEF ENGAGÉ

NICOLAS ELLIS - UN CHEF ENGAGÉ

@Stéphane Bourgeois

Avec une carrière déjà bien sur les rails, Nicolas Ellis cumule les engagements à titre de chef d’orchestre. Ayant troqué le piano contre la baguette à l’université, il a été récipiendaire d’une Prestigious Schulich Scholarship pour compléter une maîtrise en direction à l’École de musique Schulich de l’Université McGill sous la direction d’Alexis Hauser. Il dirige actuellement l’Orchestre de l’Agora, qu’il a fondé en 2012, et occupe le poste de collaborateur artistique depuis l’automne 2018 à l’Orchestre Métropolitain auprès de Yannick Nézet-Séguin. Nommé « Révélation Radio-Canada en musique classique » pour l’édition 2018-2019, il a récemment dirigé la production de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal de The Turn of the Screw de Britten, et il s’apprête à assister le chef russe de renom Valery Gergiev cet été au Verbier Festival en Suisse. Rencontre avec un jeune chef passionné.

Vos engagements récents vous ont mené à diriger des œuvres lyriques. Cela a-t-il une influence sur votre façon d’aborder la musique ?
Oui, évidemment, car la dimension littéraire du répertoire lyrique oblige nécessairement à s’intéresser au texte et à prendre en compte la façon dont le compositeur a pu le transposer en musique. Il s’agit forcément de l’interprétation du compositeur, ce qui est très intéressant. Par exemple, la source littéraire de The Turn of the Screw de Britten, une nouvelle de Henry James, comporte une narration effectuée par un seul personnage, ce qui nécessite forcément une adaptation pour l’opéra. Ainsi, dans la partition, les nombreuses ambiguïtés harmoniques finissent par indiquer que le point de vue de la gouvernante prédomine. Je trouve également que Britten a bien su mettre en musique tout l’aspect de la folie propre au pendant littéraire.

Parlez-moi de votre collaboration avec l’Opéra de Montréal pour The Turn of the Screw ?
Cette expérience était particulièrement inspirante, notamment car j’ai eu la chance de collaborer avec des artistes très motivés. Nous avons travaillé ensemble pendant près de quatre semaines, qui ont été particulièrement intenses, mais qui ont permis d’aller en profondeur et de discuter de l’oeuvre tant avec les chanteurs qu’avec le met teur en scène. De plus, les représentations avaient lieu dans un entrepôt sur l’avenue Van Horne, qui était un lieu assez inusité, mais tout à fait approprié pour le sujet de l’opéra. Il était fascinant de voir la quantité de monde mobilisée pour la réussite de ce projet. Sans l’ombre d’un doute, il s’agissait d’une très belle collaboration avec l’Atelier lyrique !

Pouvez-vous dire quelques mots sur le concert que vous avez dirigé avec Les Violons du Roy et le contreténor américain Anthony Roth Costanzo ?
Oui, j’ai été appelé à remplacer le chef Jonathan Cohen qui ne pouvait pas diriger l’un des concerts de la tournée américaine de l’orchestre cet automne. J’ai un faible pour cet ensemble, que j’ai déjà eu la chance de diriger ; c’est avec un réel plaisir que j’ai retrouvé les musiciens pour présenter les œuvres qui figurent sur le dernier disque d’Anthony consacré à Haendel et Glass. J’ai beaucoup apprécié pouvoir travailler avec ce chanteur, qui est gentil et spontané, un véritable amoureux de la musique! J’ai aussi été agréablement surpris de constater que les musiciens étaient intéressés à essayer différents phrasés et jeux de nuances, c’était une expérience très rafraîchissante.

Depuis l’automne 2018, vous travaillez à titre de collaborateur artistique à l’Orchestre Métropolitain avec Yannick Nézet-Séguin. Que retenez-vous de cette expérience ?
Il y a plus de cinq ans, je suis allé voir Yannick en répétition, et il y a trois ans, j’ai dirigé l’Orchestre Métropolitain ; de notre amitié est née l’idée de créer un poste de collaborateur artistique. C’est pour moi l’occasion de monter de très beaux programmes – et d’apprendre beaucoup ! Il est très stimulant de travailler avec l’un des chefs les plus importants en Amérique du Nord, ainsi qu’avec un orchestre qui est en pleine ascension.

Cet été, vous assisterez le chef russe Valery Gergiev au Verbier Festival. Qu’attendez vous de cette opportunité ?
J’aurai la chance d’être aux côtés de ce très grand chef pour l’opéra Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss. Il s’agit d’une œuvre robuste, que j’ai déjà commencé à étudier, car elle est très riche du point de vue harmonique, mais également contrapuntique. Toute en intensité, elle demande beaucoup d’énergie! Il s’agira également de ma première expérience à Verbier, l’un des plus grands centres estivaux de musique classique. J’ai donc très hâte d’y être et de rencontrer les gens qui y participeront.

Au mois d’août, vous serez de retour dans la province pour diriger le concert « Mozart-Da Ponte » avec le baryton Hugo Laporte et l’Orchestre de l’Agora. Que pouvez-vous nous dire sur ce concert?
Ce concert s’inscrit dans la saison estivale d’Orford, qui gravite autour de la culture italienne. Ayant mené une vie tout à fait rocambolesque, le librettiste Lorenzo da Ponte sera au cœur du programme : nous survolerons les événements phares de sa biographie en dressant des liens avec ce qu’il a écrit pour l’opéra. Ce sera l’occasion de mettre en lumière la personnalité intrigante de cet homme tout en présentant les plus beaux airs d’opéra de Mozart. Je collaborerai également avec l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal pour présenter à nouveau des airs de Mozart, d’abord à Lachine le 4 juillet, puis dans le cadre des Concerts populaires de Montréal le 11 juillet.

Pour terminer, quelle œuvre lyrique rêvez-vous de diriger un jour ? Et avec quel artiste aimeriez-vous avoir la chance de travailler ?
C’est une excellente question… À bien y penser, je dirais Pelléas et Mélisande. Oui, définitivement! Pour ce qui est des artistes, je suis très fier des chanteurs québécois et j’avoue avoir une préférence pour Marie-Nicole Lemieux, dont je suis un fan !


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