PORTRAIT- JEUNE ARTISTE- SUZANNE TAFFOT
PHOTO: Suzanne Taffot (@Alina Gotcherian)
Elle a réalisé de brillantes études de droit (avec deux maîtrises !) tout cela en étudiant le chant pour le plaisir. Un talent certain (avec beaucoup de travail acharné) et une voix à couper le souffle semblent lui dire désormais de compter le chant professionnel comme une sérieuse option. Découvrez le parcours inusité et la riche personnalité de Suzanne Taffot.
Suzanne Taffot, comment êtes-vous arrivée au seuil d’une carrière lyrique tout en étant devenue une avocate reconnue depuis plusieurs années ?
Sans le voir venir ! J’ai toujours chanté pendant mes études de droit. Que ce soit dans une chorale universitaire au Cameroun, au Conservatoire à rayonnement régional de Lyon, alors que j’y faisais mes maîtrises, puis de façon plus assidue à Montréal. La vérité est que je n’ai jamais eu ce plan bien en tête. Je suivais le cours de la rivière, comme on dit. J’avais envie de chanter, je chantais. J’avais envie d’apprendre, j’apprenais. Puis, à chaque fois, on m’a dit que je pouvais aller plus loin, laisser s’épanouir davantage l’instrument en moi. Chaque fois, j’ai accepté. Je suis terriblement curieuse. J’aime apprendre.
D’où vient cet amour ?
Au-delà d’un amour des arts en général qui est ancré en moi, je peux dire que le début de mon aventure lyrique se situe à l’Université de Dschang au Cameroun. Là-bas, la plupart des universités ont des chorales amateurs. Pour un concert, une amie et moi avions préparé le duo « Là ci darem la mano » du Don Giovanni de Mozart afin de le chanter devant le public. Nous n’y connaissions rien, nous avions surfé sur le net pour trouver quelque chose chanter et étions tombées là-dessus. Le duo nous semblait joli et nous l’avons interprété. Le résultat était atroce, mais les gens nous ont applaudies, et j’ai aimé cela ! Je me suis aperçue que la musique pour moi est un miracle, une thérapie bienfaisante.
Vous avez suivi des cours à ce moment ?
J’ai suivi des cours à Lyon, une fois rendue là-bas pour mes maîtrises de droit. Mais ce n’étaient que quelques cours, environ une trentaine de minutes par semaine. Cela entretenait ma flamme pendant que j’étudiais pour un « vrai » métier, comme j’entends souvent.
Et c’est au Québec que vous avez « poussé la note » plus loin…
Oui, en effet. Arrivée au Québec pour travailler, je me suis immédiatement intéressée au moyen de chanter et de poursuivre mon apprentissage. J’ai cherché des noms de professeurs de chant sur internet, et j’ai vu la photographie d’Adrienne Savoie. Je l’ai trouvée sympathique, son visage m’inspirait confiance. Et j’ai eu raison ! Ce n’est pas une façon des plus orthodoxes de procéder, mais c’est ainsi !
Mais à partir de ce moment, les choses s’accélèrent ?
Ah oui. En France, on peut suivre des cours au Conservatoire de manière assez partielle. Mais c’est différent ici : les programmes sont plus chargés, il faut s’investir plus intensément. Je me suis demandé si je voulais faire cela, tout en étudiant pour être acceptée au Barreau du Québec et faire une spécialisation en droit de l’immigration, de la famille et droit civil. J’ai décidé que oui, et disons que mes semaines sont devenues très bien remplies ! J’ai réussi mes études et je travaille maintenant dans mon domaine tout en continuant de développer ma voix. Cela dit, je dois de plus en plus intégrer à mon horaire des engagements lyriques professionnels !
Oui, vous serez prochainement en France (Limoges, Massy) ainsi qu’aux Pays-Bas, en Slovaquie et en Chine. Vous devrez peut-être faire un choix définitif un jour ou l’autre, non ? Quel sera-t-il ?
Si je dois choisir, je choisirai le chant. Comment ne pas vivre de quelque chose qui nous rend heureux ?
Avez-vous des idoles vocales ?
Renata Scotto, Mirella Freni, Elizabeth Schwartzkopf, Maria Callas bien entendu. J’aime les grandes chanteuses du passé.
Avocate qui chante, et chanteuse qui pratique le droit… Vous sentez-vous un peu « extra-terrestre » dans chacun des mondes que vous fréquentez ?
J’ai longtemps évité de dire à mes collègues de droit que je chantais, et que j’étudiais pour ça. Mais maintenant, j’assume pleinement cette dualité, même si l’incompréhension demeure présente. On m’a déjà demandé : « Mais plaides-tu vraiment ? ». Comme s’il n’était pas possible de bien faire son métier autrement qu’en ne faisant que cela et rien d’autre. C’est aussi le cas dans l’autre monde. Suis-je vraiment sérieuse dans ma pratique du chant si j’ai un métier régulier ? Chaque occupation m’enrichit dans la construction de ma personne.
Des rêves à venir ?
Je me lève chez moi, avec un café, j’ouvre une partition afin de l’étudier, je vais à une répétition et je chante sur scène quatre ou cinq soirs par semaine !
Au moment de faire cette entrevue, je sais que vous avez déposé votre candidature pour participer au Concours musical international de Montréal (CMIM). Nous vous souhaitons la meilleure des chances !
Merci !