Articles

ENTRETIEN AVEC JACQUES LACOMBE … FAIRE DE L'ORCHESTRE UN PERSONNAGE !

ENTRETIEN AVEC JACQUES LACOMBE … FAIRE DE L'ORCHESTRE UN PERSONNAGE !

PHOTO: Jacques Lacombe
(@ Philippe Champoux)

Parmi les artistes et les chefs lyriques d’ici qui font rayonner le Québec sur la scène lyrique internationale, Jacques Lacombe fait figure de pionnier. De la Hochschule für Musik de Vienne où il a suivi une formation spécialisée en direction d’opéra, à sa nomination récente comme chefdirigent du Theater Bonn, le fier trifluvien a été l’invité des plus grandes compagnies d’opéra à travers le monde. Sa carrière l’a conduit à ce jour au Metropolitan Opera, au Royal Opera House de Covent Garden, au Deutsche Oper de Berlin, au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, au Teatro Regio de Turin, au Bayerische Staatsoper de Munich et à l’Opéra de Marseille. Mais à la vie lyrique du Jacques se superpose celle d’un chef symphonique qui a dirigé tour à tour l’Orchestre symphonique de Laval, qui fut de 2002 à 2006 le premier chef invité de l’Orchestre symphonique de Montréal, et est aujourd’hui le chef et directeur musical de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières. Il a également dirigé plusieurs autres orchestres en Amérique, en Europe et en Océanie, et vient d’être désigné chef de l’Orchestre symphonique de Mulhouse. Dans sa loge du Grand Théâtre de Québec avant le début de la dernière représentation de Louis Riel au Festival d’opéra de Québec, L’Opéra – Revue québécoise d’art lyrique a recueilli les propos de celui qui s’efforce de faire de l’orchestre un personnage d’opéra. 

Avez-vous souvenir du premier opéra que vous avez entendu ou vu ? Cette première rencontre avec l’opéra vous a-t- elle marquée ? Pourrait-elle avoir été à l’origine de votre intérêt pour l’art lyrique ? 
Si ma mémoire est fidèle, le premier opéra auquel j’ai pu assister, à 17 ans, fut Tosca de Giacomo Puccini. Et je crois me rappeler que c’est la grande soprano québécoise Nicole Lorange qui tenait le rôle-titre. J’ai aussi le souvenir que cette Tosca, marquait en 1980 la renaissance d’une compagnie lyr ique montréalaise sous la direction de Jean-Paul Jeannotte après la trop courte expérience de l’Opéra du Québec. Mon intérêt pour la voix résulte probablement davantage de ma vie de petit-chanteur à la Maîtrise Notre-Dame-du-Cap et de mon travail de maître de chapelle et d’organiste auprès de cette maîtrise. Ma collaboration à titre d’organiste à la Cathédrale de Trois-Rivières auprès de Monseigneur Claude Thompson, fils du grand organiste J. A. Thompson, qui donne aujourd’hui son nom à la salle de concert où évolue l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, m’a aussi permis de parfaire mon apprentissage de la musique liturgique et fait apprécier le grand répertoire de musique vocale sacrée. 

Vous avez été formé au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, au Conservatoire de musique de Montréal et à la Hochschule für Musik de Vienne. Quelles sont les personnes qui ont été pour vous une source d’inspiration pendant votre parcours académique et, ultérieurement, dans votre carrière professionnelle ? Est-ce que certains évènements ou rencontres ont contribué à vous former comme chef d’orchestre ? 
La formation que j’ai reçue aux deux conservatoires de Trois-Rivières et de Montréal a été riche et diversifiée. J’ai d’abord reçu une formation d’organiste et j’ai eu le privilège d’être l’élève du regretté Raymond Daveluy. L’organiste Noëlla Genest a également contribué de façon décisive à cette formation. J’ai aussi cherché à compléter celle-ci par l’apprentissage de deux autres instruments, le piano et le violoncelle, mais j’ai également suivi des enseignements en musique de chambre. Je dois beaucoup à Walter Joachim et Dorothée Bégin dont je fus l’élève… studieux. Mais c’est vers la direction d’orchestre que tout cela m’a conduit, et ce sont Raffi Armenian et Agnès Grossman qui m’ont inculqué les rudiments du métier de chef. Grâce à des bourses du Conseil des arts du Canada, j’ai par ailleurs été en mesure de compléter ma formation à la grande Hochschule für Musik de Vienne. Cette école aura été pour moi un lieu exceptionnel d’apprentissage où j’ai d’ailleurs pu obtenir une formation spécialisée en direction d’orchestre, direction chorale et direction d’opéra. Pendant un programme accéléré d’une durée de deux ans, j’ai pu préparer et diriger de très nombreux opéras, sans parler du fait que j’ai été en mesure d’assister, dans cette capitale mondiale de l’art lyrique qu’est Vienne, à plus de 150 représentations d’opéras. Et le fait de voir les Herbert von Karajan, Carlos Kleber, Lorin Maazel, Claudio Abbado et Leonard Bernstein (pour n’en nommer que quelques-uns) diriger les grandes oeuvres du répertoire lyrique et symphonique m’a profondément influencé – et continue de m’inspirer – dans ma carrière de chef d’orchestre. 

En tant que chef qui assume la direction musicale d’orchestres symphoniques et de compagnies lyriques, une telle direction varie-t-elle selon que l’on dirige un concert ou un opéra ? La version de concert d’un opéra, comme ce Werther que vous avez dirigé au Théâtre des Champs-Élysées avec l’Orchestre national de France, est-elle une formule que vous appréciez ? 
Je crois que le grand défi d’un chef lyrique est de faire de son orchestre un personnage de l’opéra. L’orchestre, comme son chef, doit être au service d’une oeuvre qui est conçue comme du théâtre lyrique et qui gravite autour d’acteurs et d’actrices dont la tâche – si exigeante – est de raconter une histoire en chantant, en jouant et, parfois en dansant. L’orchestre doit les aider à raconter l’histoire et, non seulement accompagner ses protagonistes, mais aussi devenir, par sa compl icité musicale, une composante pleine et entière de la distribution. La version de concert d’un opéra – une formule que j’apprécie et que j’ai commencé d’ailleurs à implanter dans la programmation de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières – permet aussi de chercher à créer une synergie entre l’orchestre et les interprètes, l’accent étant toutefois mis sur la voix dans cette forme d’expression de l’art lyrique. De la fosse et en raison d’une plus grande proximité, une relation plus intime peut s’établir avec les solistes et permet de maintenir encore davantage de belles lignes et un contrôle sur le travail vocal et son accompagnement orchestral. 


** Le reste de l'article est réservé aux abonné.e.s**


Partager: