PORTRAIT: ISABELLE RICHER
PHOTO: Isabelle Richer
(@ Radio-Canada)
Elle a fait des études grecques (comme dans « Grèce antique ») avant d’arriver au journalisme judiciaire, et elle se demande parfois comment elle a pu être presque la seule à échapper au « don familial » pour la musique. Découvrez la passion lyrique d’Isabelle Richer.
Le public connaît bien votre passion pour le vélo, mais vous cultivez également un jardin secret, c’est-à-dire l’amour de l’opéra. D’où vous vient cet intérêt ?
Il me vient de ma mère. Celle-ci chantait littéralement comme un oiseau, car elle maîtrisait la technique colorature. Maman aurait très bien pu faire carrière, ce qui ne fut malheureusement pas le cas. El le me disait souvent : « Ma fille, dans mon temps, tu choisissais : ou bien tu avais des enfants, ou bien tu faisais carrière. »
Elle avait une voix spectaculaire ! Toute jeune, elle a suivi des cours avec Anna Malenfant, une importante mezzo-soprano de cette époque et qui a été membre du Trio lyrique avec Lionel Daunais. D’ailleurs, elle prend encore des leçons, de temps en temps, afin de garder la forme. Elle dit que ça lui fait du bien. Mais elle a perdu son colorature. Comme elle me dit parfois : « Tu sais, à mon âge, on est mezzo, c’est normal ! »
Ce sont donc de beaux souvenirs ?
Très beaux, oui. Je me rappelle très bien qu’elle me chantait tout le temps des airs d’opéra à la maison. Les autres enfants pouvaient entendre des berceuses le soir venu, moi, c’étaient des airs de Mozart ! Mes souvenirs sont bercés de ces moments où je m’endormais, baignée dans cette musique qui me touchait et me rassurait tellement grâce à la voix de ma mère.
Pour plusieurs de mes amis, l’opéra ressemblait à une sorte de « criage ». Mais pour moi, c’était du réconfort.
D’ailleurs, le talent lyrique ne s’arrête pas à ma mère dans cette famille. Sa soeur (Pierrette Lachance) a fait carrière. Elle a chanté dans des opérettes, des opéras bouffes, etc.
Et j’ai également une cousine, Isabelle Desrochers, qui a fait carrière en Europe, notamment avec l’ensemble Les Arts Florissants, dirigé par William Christie (elle a aussi chanté à Montréal avec l’ensemble Arion). J’ai découvert l’opéra baroque grâce à elle.
Qu’aimez-vous le plus dans l’opéra ?
À vrai dire, ce sont surtout les airs qui me touchent. J’écoute peu d’opéras complets. Je trouve certaines oeuvres « pompières » lorsqu’on les écoute pendant deux ou trois heures. Du moins, pour ma sensibilité !
Les « Voi che sapete » de ce monde et tous les grands titres intarissables, je ne m’en lasse pas.
Y a-t-il des artistes qui vous touchent plus que d’autres ?
Je suis consciente que ça n’a rien de très original, mais j’ai une grande admiration pour Cecilia Bartoli. J’aime sa personnalité plus grande que nature. Voici une femme qui fonce, elle est impétueuse, fougueuse, énergique. Ça me plaît.
Il y a Maria Callas, une évidence ! Son « Casta Diva » (extrait de Norma, de Bel l ini) me bouleverse régulièrement. Ça fait mouche presque à tout coup ! Il suffit que je sois dans un état d’esprit un tant soit peu mélancolique pendant que cet air joue, et voilà que les larmes ne sont pas loin !
Et puis, récemment , j ’ai découvert la Québécoise Julie Boulianne*, que je trouve très bonne, et cela grâce à ma mère. Eh oui, encore maman ! Celle-ci continue d’acheter des disques, parfois en quantité industrielle ! Elle ramène des piles à la maison, puis en donne à ses amies (et à sa fille !) en disant « Il faut que tu écoutes ça, c’est bon ! » Il ne se passe probablement pas un mois sans qu’elle ne m’en donne un. Vous voyez que je n’ai pas beaucoup d’efforts à faire pour bâtir ma discothèque lyrique !
Quels sont vos moments privilégiés pour écouter de la musique ? En vélo ?
Je ne porte jamais d’écouteurs en vélo, ça non. C’est plutôt en voiture que cela m’arrive de pousser le volume assez haut ! Je fais jouer des airs « glougloutants », très virtuoses, chantés par Cecilia Bartoli, dont nous parlions à l’instant. J’imagine que certains passants trouvent cela plutôt « bizarre ».
C’est aussi très pratique lors de visites chez le dentiste ! Je me rappelle que, plus jeune, j’avais apporté mon baladeur et mes écouteurs et j’avais demandé au dentiste en question si je pouvais écouter de la musique pendant l’intervention. Il m’avait répondu oui, mais qu’il n’aimait pas l’opéra. Je lui ai dit que ce n’était pas grave, car j’allais être la seule à l’entendre. Mais, en fin de compte, mes écouteurs étaient tellement bon marché et peu isolés, et j’avais mis le volume tellement fort, qu’il en a finalement entendu pas mal ! Au moins, ça couvrait drôlement bien le bruit de la fraise mécanique !
Avez-vous un rêve à réaliser concernant l’opéra ? Une oeuvre à voir ? Un lieu ?
J’aimerais beaucoup aller voir des opéras dans des lieux historiques forts. Il y a quelques années, j’ai vu un opéra baroque dans les jardins de Versailles ! C’était magnifique. J’imagine maintenant un opéra dans le théâtre d’Épidaure, en Grèce, par exemple. J’ai envie de m’imprégner de cette histoire riche, qui plus est avec de la belle musique.
*NDLR : Surveillez le numéro 11 – Printemps 2017 qui présentera un entretien avec Julie Boulianne