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CODA- La culture et l’opéra… à l’ère pandémique

CODA- La culture et l’opéra… à l’ère pandémique

Note : Cet article sera également publié dans le numéro 24 (Été 2020) de la revue.

En insufflant le 1er juin 2020 dernier 400 millions, dont 250 M$ d’argent neuf dans la relance du secteur culturel, François Legault aux côtés de Nathalie Roy, sa ministre en titre, manifestait une bonne volonté et un désir d’apaiser les angoisses des artistes, mais allez résoudre la quadrature du cercle…

Cette pandémie qui a paralysé le Québec comme le reste du monde n’est pas tombée telle une comète sur un secteur culturel en plein essor, surtout dans le champ des arts dits classiques. Tout un contexte affaiblissait déjà ses voix porteuses. L’assaut du numérique constituait depuis plusieurs années une invitation pour le public à rester chez lui, hors des lieux de communion. Ainsi, la période de confinement n’aura fait qu’accélérer ce phénomène planétaire. Des petites boîtes ne survivront pas aux mois d’arrêt complet, ni à la fragile reprise. Terribles pertes en vue.

Les directives sanitaires de distanciation physique, en place pour un bon moment, favorisent les spectacles de faible extension. De quoi affermir encore l’empire des humoristes, déjà champions des salles et des tournées qui, se produisant souvent seuls, ont pu répéter durant une pause collective qui en aura paralysé tant d’autres.   

Comment blâmer les autorités sanitaires et politiques de resserrer la vis quand la santé de la population est en jeu? Mais sous le mot d’ordre du « Tout au numérique et à la captation », s’entrevoit une perte de terrain durable pour les arts de la scène. Programmes des saisons prochaines à effacer (remplacés par quoi?), public clairsemé et effrayé, artistes en distanciation sur les planches, moins d’interprètes. Plusieurs d’entre eux, faute d’initier eux-mêmes les projets, se voient voués au chômage. 

Après avoir aidé la population à supporter le confinement à coups de vidéos souvent gratuites, l’ensemble du milieu culturel écope : spectacles, films, musées, téléséries, musique, festivals, librairies indépendantes. Le géant Renaud-Bray a sacrifié son maillon fragile mais essentiel d’Olivieri. Les éditeurs publient moins en 2020. L’ensemble des propositions se raréfie toutes disciplines confondues, menaçant les œuvres à risque et les voix de la relève. 

Même les productions de films et de télé séries se heurtent aux directives de distanciation : Empoignades, baisers brulants, comment les traduire, sinon par des spectacles hybrides, en partie virtuels? Les salles de cinémas, sans artistes ni techniciens à protéger, peuvent plus facilement que d’autres joueurs jongler avec les mesures sanitaires instaurées.

Les arts vivants, premiers touchés

À telle enseigne, le théâtre, la musique classique, la danse, le cirque et l’opéra semblent bien mal logés. Ce dernier, art total, avec une fosse d’orchestre, un répertoire nourri de duos amoureux enlacés et de chœurs aux chanteurs entassés, repose sur une mécanique particulièrement imposante. L’art lyrique fait travailler une ruche : scénographes, chorégraphes, musiciens, danseurs, techniciens et j’en passe. À son horizon : moins d’interprètes en scène comme dans la fosse et des effets virtuels remplaçant ce qui ne peut être montré, faute de contacts physiques entre les artistes. 

Le numérique menace les arts de la scène en invitant à la désertion des salles, mais les nouvelles plateformes aident par ailleurs les productions à étendre leur portée. Pour se positionner sur l’arène planétaire, un virage en ligne s’impose bel et bien, déjà vital à court terme afin d’embaucher les artistes avant l’avènement d’un vaccin contre la Covid-19 et de maintenir les bannières au vent. Ainsi, l’OSM et l’OM se tournent pour l’instant vers la captation. À l’Opéra, le virage numérique du MET et de nombreuses institutions européennes s’est joué hors frontières. Au Québec, sans diffusion des productions phares du passé, nos opéras rayonnent moins fort qu’ailleurs et devront s’ajuster.

La pandémie, causant la rupture brutale des lieux de réunion, a affaibli un univers chancelant. Chez nous, les racines culturelles étaient déjà minces. L’enseignement, au secondaire et au primaire, en négligeant les arts, aura créé des fossés générationnels chez le public. Que le parascolaire ait dû à ce point compenser les lacunes de l’école n’était pas normal. Musées, théâtres, opéras, orchestres symphoniques, festivals de films, Salons du livre et tutti quanti ont érigé leurs propres ponts vers les générations montantes, à coups d’efforts ciblés et de tarifs préférentiels. Notre société a tendance à considérer les arts autres que commerciaux comme une chasse-gardée élitiste, sans tirer chaque citoyen vers le haut. Grave erreur!

« Réinventez-vous en prenant le visage numérique », propose en substance Nathalie Roy. Le grand défi serait de recréer des liens profonds avec le public. Puisse cette parenthèse pandémique aider l’État à saisir les enjeux vitaux d’un avenir artistique à renouveler soit, mais pour l’inclure enfin, par vraie concertation de ministères, dans le quotidien de tout un chacun.


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