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RENCONTRE : Grégoire Legendre : un immense legs à la vie lyrique du Québec et de sa capitale nationale

RENCONTRE : Grégoire Legendre : un immense legs à la vie lyrique du Québec et de sa capitale nationale


Grégoire Legendre
Directeur général et artistique
Opéra de Québec et Festival d'opéra de Québec
Photogrpraphie : Louise Leblanc

Aux commandes de la compagnie lyrique de notre capitale nationale à titre de directeur général de 1994 à 2002, titre auquel il a ajouté celui de directeur artistique en 2003 en succédant à Bernard Labadie, Grégoire Legendre tirera sa révérence le 1er décembre 2020 après plus de 33 ans de loyaux services. Précédée d’une carrière de chanteur qui lui aura permis de tenir plus de 35 rôles dans 65 productions différentes sur les scènes d’Amérique et d’Europe, la vie d’administrateur lyrique de Grégoire Legendre aura aussi été marquée par la création, en 2011, du Festival d’opéra de Québec dont il espère que la 10e édition, prévue du 26 juillet au 7 août 2020, ne sera pas annulée. L’Opéra – Revue québécoise d’art lyrique a pu s’entretenir avec celui qui se méritait en 2012 le Prix Opus du directeur artistique de l’année au Québec et qui a généreusement accepté de formuler, aux temps du coronavirus, des réponses à nos questions qui permettront d’apprécier son immense legs à la vie lyrique du Québec. 

En prenant la direction de l’Opéra de Québec et en bon administrateur, vous aviez fixé des objectifs pour la compagnie lyrique. Quel était votre principal objectif et l’avez-vous atteint ?

L’objectif principal que je m’étais fixé – et qui m’a toujours guidé – était de faire découvrir le beau et le merveilleux à travers l’opéra au plus grand nombre de gens possible. Je me suis toujours efforcé de présenter des productions qui permettaient de constater que l’art lyrique est capable de beauté et d’émerveillement. De Turandot La Traviata, en passant par Lucia di Lammermoor et Eugène Onéguine, mais aussi par le répertoire français avec Roméo et Juliette et Werther, j’ai invité le public d’opéraphiles de Québec à se laisser émouvoir par cette forme d’expression culturelle et musicale qu’est l’opéra. Je crois avoir réussi à l’atteindre cet objectif, mais il appartient plutôt au public de Québec d’en décider !

Quels étaient vos autres objectifs et comment avez-vous cherché à en assurer la réalisation ?

L’une de mes grandes préoccupations aura été de mettre en valeur les artistes lyriques de Québec et d’en assurer la rétention ici, dans notre capitale. Je crois que la création du Festival d’opéra de Québec aura sans doute été l’initiative qui aura véritablement contribué à l’atteinte de cet objectif, car il aura permis de multiplier le nombre évènements lyriques permettant aux interprètes, metteurs en scène, chefs et autres artistes de travailler à Québec. Certaines productions du Festival ont permis de rassembler sur scène et dans les coulisses plusieurs centaines d’artistes et d’artisans ; la présentation de l’opéra Le Vaisseau fantôme dans la mise en scène de François Girard, lors du Festival de 2019, en aura regroupé plus de 300. Je suis aussi particulièrement fier de la création de « La brigade lyrique » qui permet à de jeunes artistes de pratiquer leur art à Québec et d’y acquérir une expérience utile pour la suite de leur carrière.

C’est aussi la création du Festival qui a rendu possible l’atteinte de l’objectif de diversification du répertoire que je m’étais fixé. Ainsi, aux deux productions annuelles de l’Opéra de Québec qui puisent principalement dans le grand répertoire lyrique des XVIIIe et XIXe siècles, ont pu s’ajouter des opéras des xxe et xxie siècles que je m’enorgueillis d’avoir pu faire découvrir au public de Québec. Qu’il s’agisse de The Tempest (avec un taux d’occupation de 100 % !) et de Powder her Face de Thomas Adès, de Louis Riel de Harry Somers ou encore de L’amour de loin de Kaija Saariaho, les lyricomanes d’ici ont pu apprécier des œuvres qui enrichissent le répertoire et démontrent que l’opéra est un art vivant, qui s’inscrit dans le présent et est capable de désacralisation.

The Tempest de Thomas Adès
Festival d'opéra de Québec, 2012
Photographie : Louise Leblanc


Quels auront été pour vous les moments les plus mémorables durant votre mandat à la tête de l’Opéra de Québec et de son Festival ?

Ils sont si nombreux... que je me permettrai d’en signaler plusieurs ! D’abord, la tenue à Québec du Concours international de chant Operalia de Plácido Domingo en 2008 est un évènement qui restera longtemps gravé dans ma mémoire parce qu’il a contribué à ce que Québec occupe dorénavant une place sur la carte du monde lyrique.

Les diverses éditions du Festival m’ont également procuré de nombreux moments d’émerveillement ; je pense entre autres à la production de l’opéra The Tempest mis en scène par Robert Lepage et dont le compositeur Thomas Adès avait assuré lui-même la direction musicale. Robert Lepage nous aura d’ailleurs fait vivre à tous et à toutes plusieurs grands moments d’émotions, notamment avec Le Rossignol et autres fables, La Damnation de Faust, L’Amour de loin et La Flûte enchantée, qui sont des productions que je retiendrai et dont plusieurs d’entre elles ont été le fruit de collaborations avec la plus grande compagnie lyrique du monde qu’est le Metropolitan Opera de New York et son formidable directeur général, Peter Gelb.

Je ne voudrais pas non plus passer sous silence la version lyrique de Starmania dans cette co-production avec l’Opéra de Montréal, qui a été l’un des plus grands succès de l’histoire de l’Opéra de Québec. Il faut aussi compter les deux programmes doubles de la saison 2008- 2009, Barbe-Bleue et Erwartung ainsi que Cavalleria Rusticana et Pagliacci, sans oublier les mémorables productions de Tosca et Carmen en 2015 et 2018. Et il y en aurait tant d’autres à mentionner...

L’Opéra de Québec a annoncé qu’un autre baryton, en la personne de Jean-François Lapointe, vous succéderait à la direction artistique de l’Opéra de Québec. Que lui souhaitez-vous ?

Je crois qu’il pourra non seulement assurer une continuité dans la vie de la compagnie, mais qu’il en assurera aussi la pérennité. Sa connaissance du milieu de l’opéra à l’échelle mondiale devrait lui permettre de faire du rendez-vous lyrique qu’est devenu le Festival d’opéra de Québec un événement incontournable pour les mélomanes de la planète toute entière. Je nous le souhaite et lui souhaite le plus grand des succès.

Et que réserve l’avenir à Grégoire Legendre ? Aimeriez-vous participer, comme vous l’avez fait dans le passé, à des jurys de concours de chant ici et là à travers le monde ?

Voilà d’autres moments mémorables que vous évoquez et qui m’ont conduit à Budapest, Milan, Beijing et Los Angeles pour participer aux jurys du concours Operalia. Mais, pour l’instant, je n’ai qu’un projet : une période de repos et de réflexion... Une réfection du corps et de l’âme qui s’impose après ces années de passionnant labeur au service de l’opéra et de l’art lyrique.


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