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CODA- Noël à l'opéra

CODA- Noël à l'opéra

It's a Wonderful Life de Jake Heggie
San Francisco Opera, 2018
Photographie : Karen Almond

Par tradition, l’opéra – forme de divertissement païen – ne célébrait pas la fête de Noël : les épisodes bibliques propres à la Nativité étaient racontés par des formes religieuses comme l’oratorio, la cantate et les musiques chorales liturgiques. On signale néanmoins quelques « actions sacrées lyriques » chez les baroques et les classiques, la plus ancienne partition étant Il gran natale di Christo salvator nostro (1622) de Jacopo Peri. Il faudra néanmoins attendre le XIXe siècle pour que l’on situe l’action de certains opéras durant ces célébrations, offrant ainsi un ressort dramatique poignant ou une ambiance festive qui interpelle l’auditeur. Survol de quelques œuvres qui se déroulent, en partie ou en totalité, durant la nuit de Noël.  

Les Noëls tragiques  

Bien que Noël soit une fête, on oublie trop vite que certains drames y trouvent leur dénouement, ce qui ne peut qu’amplifier l’aspect tragique de ces histoires. C’est le cas de Werther (1893) de Massenet. Ce jeune héros romantique se suicide le soir de Noël et c’est sur des cantiques chantés par des enfants qu’il expirera dans les bras de sa bien-aimée Charlotte.  

Un autre drame, encore plus scabreux cette fois, se déroule un 25 décembre dans un réduit obscur de Londres : c’est la dernière scène de Lulu (1937) de Berg. Étrangement, malgré les didascalies très claires du compositeur, peu de metteurs en scène soulignent que Lulu sera poignardé par Jack l’Éventreur le soir de Noël.  

Basé sur le drame de T. S. Eliot, lui-même inspiré par des faits historiques, Assassinio nella cattedrale (1958) de Pizzetti relate le meurtre de l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, survenus le 29 décembre 1170. Quatre jours avant son assassinat, durant son sermon de Noël, Thomas parle non pas de la naissance du Christ, mais bien de la mort et du martyre. On aura connu des messes de minuit plus festives !  

Réjouissances !  

Noël demeure le grand rendez-vous annuel pour célébrer la joie, la vie, le bonheur et l’amour. C’est dans cette ambiance étourdissante que se déroulent les deux premiers actes de La Bohème (1896) de Puccini. La partition ne cite aucun air de Noël, mais le compositeur brosse ici un portrait vif et pétillant des célébrations de Rodolfo, de Mimì et de leurs amis au café Momus, le tout culminant vers une relève de la garde joyeuse et flamboyante !  

The Long Christmas Dinner (1960) de Paul Hindemith est une œuvre à découvrir. Le livret de Thornton Wilder raconte, sur un ton doux-amer, l’histoire d’une famille réunie annuellement autour du traditionnel repas de Noël, le tout allégoriquement étalé sur 70 ans. On y voit les enfants grandir puis devenir eux-mêmes parents, et on observe les aïeux vieillir puis quitter la table… La partition cite un célèbre cantique en guise d’introduction, mais le compositeur choisit par la suite d’illustrer les tensions psychologiques dans un style relativement sobre, mais empreint d’empathie pour ses personnages.  


The Christmas Dinner de Paul Hindemith
American Symphony Orchestra 2015
Photographie : Hiroyuki Ito

Dans un esprit léger et comique, le conte La Nuit de Noël de Gogol inspirera deux grands compositeurs russes : Cherevitchki (Les Souliers de la reine, 1876/1885) de Tchaïkovski et La Nuit de Noël (1895) de Rimski-Korsakov. Le forgeron Vakoula fait équipe avec un sympathique démon pour trouver le cadeau de Noël qui lui permettra de conquérir le cœur de la belle Oksana. Or, sa demande est des plus saugrenues : elle désire recevoir une paire de souliers appartenant à la tsarine !  

En adaptant le film Joyeux Noël de Christian Carion, Silent Night (2011) de l’Américain Kevin Puts nous remémore la trêve de Noël de 1914 entre des combattants ennemis de trois nations durant la Première Guerre mondiale.  

La télévision : offrir l’opéra en cadeau  

Au cours du XXe siècle, la télévision a permis à la musique classique d’être diffusée à un public extrêmement large. Formant un genre en soi, les « opéras pour la télévision » – des œuvres composées spécifiquement pour ce médium – regroupent plusieurs opus ayant pour thématique Noël.  

Le plus célèbre du genre est certainement Amahl and the night visitors (1951) de Menotti. Le jeune Amahl, un enfant boiteux, rencontre les Rois mages, et il en résultera un miracle qui changera la vie d’Amahl et de sa mère.  

Le célèbre conte de Charles Dickens, A Christmas Carol, a connu de nombreuses adaptations lyriques dont la plus célèbre est signée Bernard Herrmann et a été télédiffusée le soir de Noël 1954 sur le réseau américain CBS.  

Du côté de la télévision finlandaise, le compositeur Rautavaara propose un regard contemporain avec Le Cadeau des Mages (Tietäjien lahja, 1994) : un couple vivant humblement cherche à s’échanger des cadeaux, mais, pour les acheter, ils devront faire des sacrifices difficiles. Ces derniers en valaient-ils réellement le coût ?  

Revirement de situation, des compositeurs américains se sont inspirés récemment des classiques du cinéma et de la télévision pour les adapter à l’opéra : il en résulte It’s a Wonderful Life (2016), version lyrique de Jake Heggie et The House without a Christmas Tree (2017), mis en musique par Ricky Ian Gordon.

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Tragique ou comique, festif ou triste, la fête de Noël se célèbre donc aussi à l'opéra, pour le plus grand plaisir des mélomanes!


Tragique ou comique, festif ou triste, la fête de Noël se célèbre donc aussi à l'opéra, pour le plus grand plaisir des mélomanes!

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Note : Cet article paraîtra dans le numéro 18 (Hiver 2019) de la version imprimée de L'Opéra- Revue québécoise d'art lyrique.


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